COLBERT ET LE CODE NOIR
Le Code noir, « touchant la police des îles d’Amérique », fait partie des ordonnances prises par Louis XIV. Le Roi-Soleil a déjà encouragé la traite, autorisée par son père,
Louis XIII, en accordant une prime de treize livres par « tête de nègre » aux négriers privés. Son règne est marqué par le début des lois modernes : tout doit être codifié, en métropole comme dans les colonies. Il s’agit de mettre de l’ordre dans les plantations et de limiter le pouvoir des colons. Colbert, contrôleur général des finances, commence la rédaction du Code noir en 1682, avec l’aide des intendants et des gouverneurs des îles. Son fils, le marquis de Seignelay, le termine en 1685, deux ans après sa mort. Ce premier texte fait de l’esclave un « être de Dieu », qui doit être baptisé, et en même temps… un « meuble », qui peut être vendu et transmis en héritage comme une vulgaire commode. Il « scelle le sort des esclaves noirs », écrit Christiane Taubira dans « Codes noirs. De l’esclavage aux abolitions » (Dalloz). Le Code noir, première version, comporte ainsi des dispositions protectrices des esclaves. Ils doivent être instruits et baptisés par leurs maîtres « dans un temps convenable », nourris, habillés, soignés, logés et enterrés « en terre sainte ». Ils peuvent se marier, avec l’accord de leur maître, et ont la possibilité d’être a ranchis, avec
« les mêmes droits, privilèges et immunités dont jouissent les personnes nées libres ». Mais l’article 44 (« déclarons les esclaves être meubles ») les réduit à un statut d’objets susceptibles d’être saisis en cas de non-remboursement d’une dette. Par crainte des révoltes, le texte prévoit un système de proscription et de répression impitoyable. Les esclaves n’ont pas le droit de se rassembler, de porter des armes ou des « gros bâtons ».
Des sanctions sont prévues en cas de désobéissance, fuite ou rébellion : fouet, verge, marquage à la fleur de lys, mutilation, et mort (si l’esclave a, par exemple, volé un cheval ou frappé son maître). D’abord appliqué aux Petites Antilles, le Code noir est étendu au cours des décennies suivantes à Saint-Domingue (Haïti), à la Guyane, aux îles de France (aujourd’hui Maurice) et de Bourbon (Réunion) et à la Louisiane. En 1723, une nouvelle version du Code noir, édictée sous Louis XV, se montre encore plus sévère, notamment sur les conditions d’a ranchissement.