L'Obs

Soudain, l’été dernier

ÉTÉ 85, PAR FRANÇOIS OZON. COMÉDIE DRAMATIQUE FRANÇAISE, AVEC FÉLIX LEFEBVRE, BENJAMIN VOISIN, PHILIPPINE VELGE (1H40).

- JÉRÔME GARCIN

Comme toujours chez François ozon, l’apparence est trompeuse. adapté du roman d’aidan Chambers « la danse du coucou », ce teen movie revisité, qui empruntera­it à la fois à « la boum » et à « pauline à la plage », raconte, sur un air des Cure et sous le soleil du tréport, la liaison amoureuse entre un garçon de 16 ans, alexis (Félix lefebvre, photo à gauche), issu d’un milieu modeste, et david (benjamin voisin, à droite), 18 ans, davantage fortuné et ramenard – le second ayant sauvé le premier de la noyade en pleine mer. le cinéaste de « gouttes d’eau sur pierres brûlantes » filme la rencontre des deux jeunes fauves et leur apprivoise­ment réciproque avec légèreté, sensualité, souplesse et beaucoup de pudeur. sa caméra portée et pressée court de la plage de galets à la fête foraine et de la boîte de nuit à la chambre d’ado. rien ne semble peser dans cette chronique estivale et vintage tournée en super 16. pourtant, comme le ciel qui tourne à l’orage dans ses premiers plans marins, le film va se noircir et s’épaissir. l’insoucianc­e de l’été 85, qui précède la saison en enfer du sida, est une illusion. au tréport, la mort rôde et frappe. rod stewart chante « I am dying, forever crying » (« Je me meurs, je pleure à jamais »). une famille juive allume une bougie et récite le kaddish. un garçon innocent danse sur une tombe fraîche. il découvre en même temps le deuil, la culpabilit­é, l’écriture et la réponse à cette question : « Tu crois qu’on invente les gens qu’on aime ? » grâce à dieu, François ozon ne s’appesantit jamais. mais il ne cache pas son émotion. elle est ici transmise par deux jeunes acteurs inspirés et des rôles secondaire­s (valeria bruni tedeschi, melvil poupaud, isabelle nanty), qui sont primordiau­x. vingt ans après « sous le sable », le soleil est noir.

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