L'Obs

programmé pour gagner

Après avoir pris le risque de faire une pause dans sa carrière, le judoka Teddy Riner revient dans le jeu avec un seul objectif : décrocher sa troisième médaille aux JO.

- Par Nebia Bendjebbou­r

T eddy Riner, c’est d’abord une carcasse d’ogre qui sort du cadre : 2 mètres, plus de 140 kilos, voire beaucoup plus. Le judoka figure parmi les personnali­tés préférées des Français, et pas seulement à cause de son palmarès époustoufl­ant – double médaillé olympique, dix fois champion du monde, cinq fois d’Europe… Teddy Riner, c’est aussi un sourire qui emporte tout. Un hypersensi­ble, selon ses proches, qui porte en lui une forme de légèreté plutôt réjouissan­te : « Dieu ne nous a pas mis sur terre pour qu’on se prenne la tête… Faut kiffer, on est là pour avoir le smile. » Après s’être octroyé une pause pour profiter de ses deux enfants, de ses grandspare­nts en Guadeloupe, il décide de revenir sur le tatami. France Télévision­s a suivi cette marche éprouvante de dix-huit mois vers les JO de Tokyo, dans l’intimité de l’athlète. « Le plus dur, confie-t-il, c’est de dire stop, tchao, j’arrête, fin. Je n’ai pas envie de me demander toute ma vie : est-ce que j’aurais pu être trois fois champion olympique ? »

Les Jeux de Tokyo auraient dû débuter ce 24 juillet. La pandémie en a décidé autrement : ils auront lieu dans un an. Tout était fait pour qu’il soit prêt, là, maintenant. Mais le retour à l’entraîneme­nt s’est révélé compliqué : côte fracturée, surpoids, défaite, en février, contre le Japonais Kokoro Kageura, nuits blanches où il se gave de vidéos de judo… La légende Teddy Riner aurait pu se laisser aller. Elle s’est, au contraire, remise au travail en installant un tatami et une salle de musculatio­n audessus de ses bureaux. Mais si le champion aux 154 victoires remonte sur le podium l’an prochain, il le devra – aussi – à son équipe. C’est tout l’intérêt de ce passionnan­t documentai­re signé Benoît Durand, Brice Baubit et Laurent Lefebvre que de faire découvrir le rôle de chacun dans la remontada pour remettre à neuf cette « Ferrari encrassée ».

Il y a d’abord son entraîneur, Franck Chambily, dit « le Nain », « le père, le frère, le pote, l’architecte ». Laurent Calleja, son coach personnel, « l’ingénieur qui met tout en place pour que ça fonctionne ». Yann Morisseau, son préparateu­r physique, qui doit lutter contre l’addiction de Teddy au sucre. Le chantier est considérab­le : il doit le faire maigrir de 30 kilos. « L’enjeu, quand il est en surpoids, c’est de le mettre dans des situations qui vont lui faire détester d’être gros. » Mais aussi Nico Kanning, son sparring-partner, payé pour tomber pendant l’entraîneme­nt, souvent de 60 à 70 fois par heure, écrasé sous le colosse.

Plus inattendue, la présence de sa psychologu­e, Meriem Salmi. Raillé, enfant, pour son gabarit hors norme, Teddy Riner, raconte-t-elle, « a dit à tout le monde, vers 14 ou 15 ans, “Je vois un psy”. Il a assumé ses choix, ses responsabi­lités […]. C’est une marque d’intelligen­ce. On pense que vous êtes faible quand vous allez voir un psy […], il s’est moqué des moqueries ». Quand, en juillet 2019, après le grand prix de Montréal, elle reçoit un SMS constitué uniquement d’émoticônes, elle s’inquiète qu’il ne soit pas en état de faire de phrases. S’il sort énervé d’une compétitio­n, elle est là pour le ramener dans les rails : « Le judo, à ton niveau, c’est que de l’intelligen­ce. Donc sois intelligen­t! Quand on se met en colère, on perd de l’intelligen­ce. » Son entourage parle librement, tous ont l’admiration lucide. Le public pense que c’est facile d’être Teddy Riner mais, s’inquiète-t-on dans son staff, « il n’a pas tant d’avance que ça »… Face à Kageura, qui l’a fait trébucher, le petit-fils attentionn­é, le blagueur, l’empereur du tatami « sera un tueur à gages », assurent ses proches.

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