BERLIN ALEXANDERPLATZ
SÉRIE ALLEMANDE DE RAINER WERNER FASSBINDER (1979) Avec Günter Lamprecht, Hanna Schygulla, Gottfried John. Quatorze épisodes de 60 min. DISPONIBLE SUR ARTE.TV
Année 1928 : repris de justice, Franz Biberkopf (phénoménal Günter Lamprecht) zone dans les bas-fonds d’une société hagarde, terrassée par la défaite de la Grande Guerre et le chômage de masse – Hitler n’est encore ici qu’un opposant parmi d’autres. S’attaquant au classique littéraire d’Alfred Döblin (une des cibles principales des autodafés nazis), Rainer Werner Fassbinder, enfant terrible du cinéma allemand, livrait en 1979, au zénith de sa carrière commerciale, une mini-série dantesque de 15 heures 30, à la fois éruptive et stylisée. Citations de la Bible juxtaposées aux tourments sordides et triviaux du simple mortel Biberkopf, imagerie poético-provocatrice bien ancrée dans son époque (l’épilogue, qui tient autant de Buñuel que de Pasolini et de Jean Genet, est un modèle du genre), ton oscillant entre ironie et tragédie grecque, « Berlin Alexanderplatz » se savoure comme un rêve éveillé glauque et langoureux dans la psyché allemande des Années folles. Via les destins croisés d’une poignée de sans-grade, Fassbinder sculpte l’état d’esprit d’une population embourbée dans ses failles et ses impensés, mais assez insouciante pour dériver presque par défaut sur la voie du totalitarisme, ce spectre flou qui se voit peu mais se renifle. Arte laisse aux internautes jusqu’au 7 août le soin de redécouvrir gratuitement ce prototype de la série moderne, érigé en référence absolue par Michael Mann et Francis Coppola.