La ciase : l’écoute des victimes
Le Jour du Seigneur. Documentaire de Marie Viloin (2020, 1/2). 26 min.
« Comment réparer un préjudice porté à l’âme ? » Cette interrogation court tout le long de ce documentaire. Et, à ce stade, personne n’a la réponse. Antoine Garapon, le magistrat qui la formule, est l’un des 22 membres de la Commission indépendante sur les Abus sexuels dans l’Eglise (Ciase), installée en février 2019. L’institution a beaucoup à se faire pardonner, elle doit comprendre – pour l’éradiquer – ce dysfonctionnement systémique qui a autorisé tant d’abus de pouvoir. A la tête de la Ciase, voulue par la Conférence des évêques d’une part, la Conférence des religieux et religieuses de France d’autre part, un homme clé: son président, JeanMarc Sauvé, ancien viceprésident du Conseil d’Etat. C’est lui qui l’a composée en mêlant athées, croyants de toutes les religions, psychiatres, juristes, théologiens… Lui aussi qui se porte garant de son utilité : « Dans la mission qui est la nôtre, nous avons tout à apprendre. » Il le sait, l’éprouve déjà : « On n’en sortira pas indemnes. » Cette commission écoute des paroles longtemps enfouies parce qu’elles n’auraient pas été crues, ou niées et restées sans conséquences pour le prédateur. Les récits, très lourds, entrecroisent les faits dans leur brutalité, la trahison de la confiance, les traumatismes qui s’ensuivent. « L’Eglise va faire quoi de ces témoignages ? », interroge l’une des victimes ; « Etes-vous là pour redorer [son] blason ? Etes-vous vraiment indépendants ? », s’enquiert une autre. Et après? La tâche est complexe (pour l’illustrer, le documentaire est ridiculement ponctué d’images de nuages menaçants) car indemniser financièrement n’est pas réparer. « Je crois, dit Antoine Garapon, à l’effet exonérateur d’une parole qui a été crue […], la difficulté qui sera la nôtre, c’est de savoir comment signifier cette reconnaissance [de la valeur de la vie des victimes], étant entendu qu’on ne peut pas tricher, c’est-à-dire que cette parole doit être prononcée au bon moment, avec les bons mots et l’authenticité qui feront qu’elle pourra avoir un effet réparateur. »