L'Obs

Les Maudits

Comédie dramatique de René Clément (1947). Avec Marcel Dalio, Henri Vidal, Florence Marly. 1h37.

- François Forestier

Le problème des films de sousmarins – un genre en soi –, c’est l’exiguïté. Le décor concentre les conflits mais étouffe facilement l’action. Donc il faut varier les angles de prises de vues, maîtriser parfaiteme­nt le découpage et, surtout, avoir un scénario en béton. René Clément, pour son troisième film, coche certaines cases, mais pas d’autres. Côté technique, on sent qu’il prend son pied dans ce sous-marin entièremen­t reconstitu­é aux studios de la Victorine à Nice. Côté scénario, c’est plus bizarre, car dans cet esquif se trouvent des nazis et des collabos qui cherchent à fuir vers l’Amérique latine – et là, il y avait matière à raconter plusieurs histoires croisées qui, en 1947, étaient actuelles. Or le script est basé sur un livre de Victor Alexandrov, écrivain russe au passé heurté : il a été soldat en Grèce, mercenaire au Honduras, collaborat­eur des services de renseignem­ent américains et auteur à succès. Sa perception de la collaborat­ion en France est sommaire, et les dialogues d’Henri Jeanson, génial faiseur de mots (et fortement pacifiste), s’ajustent mal. Résultat : les acteurs jouent des partitions différente­s. Alors que Michel Auclair et Marcel Dalio tirent facilement leur épingle du jeu, Henri Vidal se contente de faire comme il peut (et il peut peu). Florence Marly – actrice tchécoslov­aque mariée à Pierre Chenal – est magnifique­ment éclairée par Henri Alekan, qui met en valeur ses pommettes admirables (quel visage !). A l’époque de la sortie du film (qui fait suite à « la Bataille du rail »), ces « Maudits » étaient dans l’air du temps, et ce cinéma-là, très classique, était en vogue. Depuis, au rayon sous-marins, on a eu droit à « A la Poursuite d’Octobre rouge », « Das Boot », « K-19 : le piège des profondeur­s », « Kursk » et, évidemment « Jamais plus jamais », dans lequel James Bond sauvait le monde, une fois de plus. « Les Maudits » ont vieilli, certes, mais regardez bien la lumière. Malgré les années, malgré les réticences, c’est quand même du beau cinéma.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France