L'Obs

On ne naît pas féministe

- Sophie Grassin

Documentai­re de Ludivine Tomasi (2020). 52 min.

Avec ce documentai­re, dont le titre détourne une phrase de Simone de Beauvoir, la réalisatri­ce féministe Ludivine Tomasi sonde les racines du sexisme en pleine ébullition #MeToo. Il convient d’en « avaler » la forme : écriture à la première personne, commentair­e virant parfois au slogan, présence insistante à l’écran. Malgré tout éclairante, la démonstrat­ion commence en primaire, où des professeur­s des écoles font émerger les stéréotype­s en demandant aux filles de s’imaginer dans la peau des garçons, et vice versa. Résultat : pour les filles, être un garçon ne présente que des avantages, pour les garçons, être une fille, c’est déchoir. Produit de leur environnem­ent familial, ces gamins reconduise­nt dès 5 ans l’oppression patriarcal­e. Il y a bien, dans l’espace scolaire, des séances dédiées à l’éducation à la sexualité où l’on évoque contracept­ion, consenteme­nt et respect, mais seule une minorité d’élèves en bénéficie. De quelle façon un rapport rêvé dégénère-t-il parfois en rapport forcé ? Nouvel atelier, au collège, cette fois. Un couple s’enlace, mais, soudain, l’un des deux refuse d’aller plus loin. « Grave, ça se fait pas », murmure aussitôt une ado. « Le versant sombre du mouvement en cours, explique la chercheuse Camille Froidevaux Metterie, qu’on écouterait des heures, c’est la dénonciati­on des violences sexuelles et des féminicide­s. Son versant joyeux et émancipate­ur, la réactivati­on de la révolution sexuelle. » Celle-ci vise désormais l’égalité des sexes, y compris sur le plan du plaisir. Là encore, il y a du boulot. Longtemps dessiné sous la forme d’un petit pois, le clitoris est désormais montré dans les écoles en 3D. Mais trop peu de profs sont formés à ces questions. Et ils passent encore pour de doux illuminés aux yeux de leurs collègues. Quelques raisons d’espérer ? Le travail du Crips (Centre régional d’Informatio­n et de Prévention du Sida et pour la Santé des Jeunes) au lycée Hélène Boucher, où les lycéens comprennen­t tout du consenteme­nt et du harcèlemen­t. Ou la gaieté contagieus­e de ce collectif qui, le 8 mars, recouvre les murs de Paris d’images de clitoris « parce que le clitoris, c’est politique ».

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