Espace Objectif Mars
Trois missions internationales partent vers la planète rouge. La plus ambitieuse, celle de la Nasa, promet de rapporter sur Terre, en 2031, des échantillons de vie… si elle en trouve, bien entendu
On ne va pas sur Mars aussi facilement que sur la Côte d’Azur : c’est un voyage qui prend six à sept mois et qui n’est possible que tous les 26 mois – une question d’orbites et de distance. Et pourtant, les candidats sont de plus en plus nombreux. Pour la fenêtre de tir qui s’est ouverte entre le 15 juillet et le 15 août, la route de l’espace sera presque aussi embouteillée que celle des vacances. L’Europe a renoncé à son projet ExoMars, repoussé à l’automne 2022, mais trois autres missions seront lancées. D’abord Hope, financée par les Emirats arabes unis, étudiera la météo de la planète rouge (la fusée a décollé le 20 juillet de Tanegashima, au Japon). Puis la Chine lancera Tianwen-1, afin d’analyser sa composition. Ce sera une première technologique pour ce pays, et sa façon o cielle de fêter le centenaire du Parti communiste. Et enfin Mars 2020, la superproduction de la Nasa, se lancera le 30 juillet pour un « atterrissage » prévu mi-février 2021.
Cette mission-là nous intéresse plus que les deux autres, d’abord parce que c’est la plus ambitieuse avec ses 2,2 milliards d’euros de budget, ensuite parce que de nombreux pays occidentaux, dont la France, en partageront les découvertes. Elles pourraient bien être renversantes. L’objectif de Mars 2020 est en e et de découvrir des traces de vie, et même – on a l’impression de sauter à pieds joints dans un film de science-fiction terrifiant, comme « The Thing » ou « le Blob » – d’en rapporter sur Terre !
UNE IDÉE FOLLE
Comment une idée aussi folle a-t-elle bien pu quitter la sphère de l’imagination pour entrer dans celle des possibilités? Grâce à l’avancée des connaissances et à la coopération internationale. Pour la Nasa, Mars 2020 est la suite de Mars Science Laboratory, lancée en 2011, déjà pour chercher des traces de vie. Il y a 3,5 milliards d’années, Mars ressemblait à la Terre. Qu’en reste-t-il ? Pour le savoir, le rover Curiosity, un engin automatique, s’est baladé dans le cratère Gale afin d’en analyser la composition. Il fonctionne d’ailleurs toujours aujourd’hui grâce à son moteur nucléaire, mais il a eu une grosse faiblesse: le sol martien est recouvert de roches ultra-coupantes – ce qui n’avait pas été prévu – qui ont détruit ses roues. La pauvre chose n’a parcouru que 22 kilomètres…
La nouvelle mission, neuf ans plus tard, va « atterrir » dans un endroit qui permet d’augmenter les chances de succès : le cratère Jezero fut un delta de rivière débouchant sur un immense lac, une zone humide où une vie de type terrestre aurait pu se développer, avant que Mars ne s’assèche. « Si vie il y eut, elle était là », assure Jean-Yves Le Gall, le directeur du Cnes (Centre national d’Etudes spatiales), l’un des organismes français associés au programme. Le nouveau rover a été baptisé « Perseverance ». Pour lui éviter les désagréments de son prédécesseur, ses roues ont été renforcées et on lui a adjoint un petit drone hélicoptère, Ingenuity, qui lui indiquera les obstacles. C’est un gros engin de 3 mètres de long et 2,7 mètres de large sur 2,2 mètres de haut, qui pèse une tonne et qui emporte avec lui de la technologie française: le Cnes et le CNRS (Centre national de la Recherche scientifique), aidés par de nombreuses universités ou entreprises françaises et américaines, ont conçu sa SuperCam. Cet outil a coûté 40 millions d’euros à développer et sera l’oeil le plus sophistiqué du rover : ce sera à lui d’analyser la composition géologique du sol avec toute une gamme d’instruments sophistiqués (lasers, fluorescence, images à haute définition, microphones…). « Nous n’avons pas de gros moyens, alors il s’agis
sait d’être intelligents pour être présents aux côtés de la Nasa », explique Jean-Yves Le Gall. Perseverance et sa SuperCam vont explorer les boues et roches du lac asséché à la recherche de fossiles. Il est doté de tubes pour faire des prélèvements et « il pourra nous en renvoyer 33 », dit Jean-Yves Le Gall, afin de les analyser.
DES MARTIENS CHEZ NOUS ?
Il est en effet prévu que l’Europe dépêche sur Mars, d’ici à une dizaine d’années, un autre engin qui pourra expédier ces tubes vers une sonde, chargée de les rapporter sur Terre pour 2031. En théorie, personne ne s’attend à ce qu’une forme de vie puisse résister au long voyage vers la Terre dans le vide intersidéral. Mais la probabilité existe qu’un organisme ayant résisté pendant 4 milliards d’années dans des conditions extrêmes puisse supporter ce choc et ensuite s’épanouir sur Terre. Et y faire des ravages ? Cela s’est vu dans l’Histoire : des maladies ino ensives en Europe ont été transportées par les premiers navigateurs à l’autre bout du monde et elles ont alors décimé des populations entières.
Ce scénario est-il fantaisiste ? Il est pris au sérieux par les concepteurs de la mission, qui soulèvent euxmêmes le problème : « Si les échantillons qui reviendront sur Terre en 2031 contiennent de la vie, il faudra isoler impérativement les labos qui les analyseront. Cela fait vingt ans qu’on travaille là-dessus, et on n’est pas en avance sur ce point ! », prévient Jean-Yves Le Gall, qui n’est pas exactement un plaisantin. « On le sait désormais : Mars a été habitable il y a des milliards d’années. La question est: Mars a-t-elle été habitée pour autant ? » La question subsidiaire étant : « Et dans ce cas-là, va-t-on ramener des Martiens chez nous, qui vont nous détruire ? »
Ce danger reste hypothétique, bien plus que la possibilité qui s’ouvrira à l’homme d’aller voir ce qui se passe sur Mars si la planète se révélait encore habitable. Et là aussi, le projet exist: le milliardaire Elon Musk consacre déjà toute son énergie à coloniser la planète rouge à partir de 2050. Il compte y envoyer un millier de vaisseaux spatiaux, qui pourraient transporter un million d’habitants. Pour le moment, l’idée semble complètement farfelue, mais Elon Musk fut déjà taxé de mégalomane pendant qu’il mettait au point ses voitures électriques Tesla ou ses fusées réutilisables Space X. Et c’est lui qui avait raison : elles ont toutes les deux fonctionné en temps et en heure, et révolutionné leur secteur.
“MARS A ÉTÉ HABITABLE IL Y A DES MILLIARDS D’ANNÉES. A T ELLE ÉTÉ HABITÉE POUR AUTANT ?” JEAN YVES LE GALL, DIRECTEUR DU CNES