Le séparatisme selon Macron
Ce fut, c’est vrai, un beau discours. Ferme, équilibré, sans faux-semblant. Un de ceux qui marqueront, peut-être, ce quinquennat. Dans son intervention sur le séparatisme, le président a nommé la menace islamiste pour ce qu’elle était, tout en assumant les erreurs, les errances, les responsabilités de la République. Il a dénoncé la crise de l’islam, gangrené par des forces radicales, mais rappelé aussi notre passé colonial, qui a sa part de responsabilité dans cette religiosité qui tend à placer la foi au-dessus de la loi.
Les indignations tout à la fois des élus RN, qui regrettent qu’il n’en ait pas dit davantage, et de ceux qui, du côté de La France insoumise, lui reprochent de stigmatiser les musulmans, le prouvent : le chef de l’Etat, sur ce terrain glissant, a su garder la ligne de crête.
On pourra toujours lui reprocher d’avoir fait l’impasse sur d’autres séparatismes, et de n’avoir centré son discours que sur les seules dérives islamistes. Faut-il s’en indigner ? Ce sont rarement des catholiques intégristes ou des juifs ultraorthodoxes qui réclament des certificats de virginité pour leurs filles. Ce ne sont pas eux qui partent faire le djihad, pas plus qu’ils n’arment idéologiquement les tueurs de dessinateurs. Au moins le président n’est-il pas tombé dans le piège de l’hypocrisie…
Difficile pourtant de ne pas être pris d’un sentiment de malaise en écoutant cette longue intervention entièrement dédiée aux ghettos de la République, et focalisé sur le seul problème du radicalisme religieux. Sur plus d’une heure qu’aura duré ce discours, quelques mots seulement pour évoquer les trafics, la violence, le banditisme qui minent ces quartiers, et qui sont, de fait le premier facteur de ghettoïsation menant tout droit au séparatisme.
Les règlements de comptes, la misère sociale, les défaillances des services publics, ces failles dans lesquelles s’engouffre l’hydre islamiste, sont à peine évoqués. Le président se dit décidé à interdire l’école à domicile, provoquant au passage la colère des parents favorables pour diverses raisons à l’instruction en famille. Combien d’enfants échappent réellement à la scolarisation pour des motifs religieux ? Mystère. Que des centaines de milliers d’élèves relégués dans des établissements ghettos soient confrontés au déterminisme social et à l’échec scolaire est en revanche une certitude. Certes, 300 000 enfants ont bénéficié du dédoublement des classes en primaire, et cela restera l’une des mesures phares de Jean-Michel Blanquer. Mais il reste tant à faire…
L’islamisme, c’est vrai, n’est pas soluble dans l’argent public. Mais il ne disparaîtra pas non plus sans volontarisme politique, sans la restauration d’un Etat de droit, sans un minimum de mixité sociale. Le séparatisme, faut-il le rappeler, c’est celui des beaux quartiers et des établissements scolaires d’élites qui font sécession.
Or, depuis le début du quinquennat, malgré la volonté affichée de faire de ce défi une priorité, malgré quelques plans de rénovation urbaine, rien – ou si peu – n’a été fait pour les banlieues. Aucune prise de parole symbolique forte. Aucun acte majeur. Depuis la claque infligée à Jean-Louis Borloo et à son grand plan pour le « vivre ensemble », elles sont restées l’angle mort du quinquennat. Aborder le séparatisme dans un discours-fleuve, très politique, sous le seul angle de la menace islamiste, nourrit forcément chez tous ceux qui y travaillent, qui y vivent, le sentiment de ne pas être entendus. A moins de deux ans de l’échéance présidentielle, on dira qu’il est trop tard pour s’emparer sérieusement de la question ? Comment ne pas le regretter !