“Cette mesure va dans le bon sens”
Joëlle Belaisch-Allart est cheffe du service de gynécologie-obstétrique au CH4V de Saint-Cloud et présidente élue du Collège national des Gynécologues et Obstétriciens français.
Comment accueillez-vous le projet du gouvernement d’interdire les certificats de virginité ?
Nous le soutenons. Le Conseil de l’Ordre des Médecins recommande depuis 2003 de refuser l’examen et la rédaction de ces certificats. La pénalisation des soignants qui acceptent, cela ne nous pose donc aucun problème. C’est même une reconnaissance de la recommandation du Conseil de l’Ordre. Le coeur du problème, c’est qu’on a encore ce type de demande dans notre pays, alors qu’elle n’a aucun sens médicalement parlant. D’un certain point de vue, je comprends les médecins qui délivrent ces certificats et je ne les condamne pas. Ils pensent protéger les jeunes femmes qu’ils reçoivent. Mais leur action ne protège pas les suivantes… Il faut désormais mettre fin à cette pratique, qui est une aberration mentale. Au centre hospitalier des Quatre-Villes, à SaintCloud, nous avons environ deux demandes par an, que nous renvoyons systématiquement vers l’assistante sociale.
Certains de vos collègues, médecins ou sages-femmes, considèrent que le gouvernement se trompe de cible en pénalisant les médecins…
C’est vrai que la pénalisation des médecins pose question, mais il est simple de prouver l’action du médecin car il y a un élément matériel – le certificat. Ça l’est beaucoup moins de prouver qu’il y a eu une demande… L’avantage de cette mesure, c’est aussi que chacun saura qu’il existe des sanctions pour les médecins – une manière de faire peur aux familles et aux soignants. Même si cela sera sans doute plus difficile de dire non pour les médecins seuls dans leur cabinet que pour nous à l’hôpital.
Mais, justement, comment savoir qui délivre ou non des certificats dans le secret de son cabinet ?
Il est vrai que la mesure a ses limites et qu’il y a sans doute aussi une forme d’affichage de la part du gouvernement. Mais elle va dans le bon sens. Pour aller plus loin, je pense, à titre personnel, qu’il faudrait que les soignants aient le courage de signaler les demandes, pour protéger ces jeunes femmes. Si la personne est mineure et accompagnée de sa mère ou d’un proche lors de la demande, c’est, selon moi, de la maltraitance à mineure, et il y a une obligation de signalement auprès de l’Aide sociale à l’Enfance. Pour les femmes majeures sous pression de leur futur mari ou de leur famille, il faudrait pouvoir envisager une levée du secret médical, comme en cas de violences conjugales, et une dénonciation auprès du procureur de la République. Car c’est évidemment une forme de violence. Bien entendu, il s’agit d’un énorme changement d’état d’esprit pour mes collègues. Mais cela pourrait être la prochaine étape.