“Cela risque de réduire la liberté des femmes”
Aurélien Taché est député du Val-d’Oise. Ex-LREM, il siège désormais avec le groupe Ecologie Démocratie Solidarité. Il est secrétaire du groupe d’études « villes et banlieues ».
Que pensez-vous du projet du gouvernement d’interdire les certificats de virginité ?
Je comprends parfaitement qu’on puisse être choqué par cette pratique, qui paraît archaïque au xxie siècle. Mais je crains que le projet du gouvernement ne fasse plus de mal que de bien. Car, soyons honnêtes, actuellement, la plupart des médecins qui délivrent des certificats de virginité écrivent « vierge » sans pratiquer le moindre examen. Que se passera-t-il demain? Soit on va pousser ces jeunes femmes à consulter des « praticiens » non agréés, dans la clandestinité. Soit leurs parents seront beaucoup plus stricts avec elles, les empêcheront de sortir, etc. Cette mesure risque donc de réduire la liberté de ces femmes. C’est une fausse bonne idée, prise par des élus qui se drapent dans de grands principes mais n’ont même pas pris la peine de consulter les acteurs de terrain. Résultat : ils aggravent la situation…
Le projet du gouvernement prévoit de pénaliser les médecins. Est-ce la bonne méthode, selon vous ?
La pénalisation des médecins ou des familles, comme le préconisent aussi certains, n’est pas une solution. Ce serait peut-être même pire de vouloir condamner les parents car ils risquent de quitter la France ou d’envoyer leurs filles à l’étranger… Mais, encore une fois, regardons les choses en face : que feront les « bons » médecins, ceux qui désirent protéger leurs patientes? Ils continueront à délivrer ces certificats, naturellement! C’est d’une hypocrisie terrible car on ne cherche pas vraiment à aider ces jeunes femmes.
Que faudrait-il faire alors ?
Aidons ces jeunes femmes à s’émanciper des traditions de leurs familles. Pour cela, il faut mettre des moyens sur la table pour leur donner accès à une éducation de qualité, à la culture, aux transports… N’oublions pas que le premier séparatisme en France est social.
Diriez-vous qu’il s’agit d’une forme d’instrumentalisation politique de la part du gouvernement ?
C’est évident. Ils montrent les muscles : « Regardez! Nous, la France, on a des grands principes… » Mais c’est un coup médiatique. Ils manient des symboles pour satisfaire une frange de l’électorat qui a un problème avec des minorités religieuses ou ethniques. Je pense que cette affaire des certificats de virginité entre tout à fait dans ce qu’on appelle le « féminationalisme », un féminisme qui instrumentalise les droits des femmes à des fins nationalistes et identitaires. C’est une tendance de fond, qui vient de la droite nationaliste. Et ses principales victimes, ce sont les femmes des minorités religieuses ou ethniques prises pour cible, évidemment.