L'Obs

Peut-on se fier aux placements “responsabl­es”?

La finance “durable” est en plein essor. Mais pas facile de s’y retrouver dans une offre de placements à la promesse exigeante : être meilleurs pour l’homme et la planète…

- Par GILLES MANDROUX

Les épargnants ne regardent plus seulement la performanc­e financière de leurs placements, mais aussi, de plus en plus, leur impact social et environnem­ental. L’indicateur annuel de Novethic fait le constat d’un marché en plein essor, dénombrant, fin 2019, 704 fonds, le double par rapport à fin 2018. Les voix n’ont pas manqué pour saluer leurs performanc­es financière­s très honorables au premier semestre 2020. « Leur résilience, quand les marchés financiers sont orientés à la baisse, s’est confirmée avec une performanc­e moyenne de - 5,2 % (toutes classes d’actifs confondues, hors monétaire). Les fonds actions notamment ont enregistré une performanc­e moyenne nette de -6,5 % sur la période, quand le CAC 40, lui, a perdu 17,5 % », relève Novethic, dans un rapport édité juin 2020.

Mais la finance durable est un univers hétéroclit­e, dans lequel il n’est pas simple de se retrouver et de trier le bon grain de l’ivraie. Trois grandes familles de placements correspond­ent à des objectifs, avec une garantie de résultat par rapport à leur promesse marketing sans commune mesure les unes avec les autres.

L’ÉPARGNE SOLIDAIRE

Les placements estampillé­s « finance solidaire » visent à soutenir les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) :

associatio­ns, coopérativ­es, mais aussi entreprise­s commercial­es. Sans conteste, ce sont ceux qui o˜ rent la meilleure lisibilité et garantie d’e° -cacité directe par rapport à l’objectif a° ché. Privilégie­z ceux a° chant le label Finansol, qui garantit que vos fonds contribuer­ont à développer des activités génératric­es d’utilité sociale et/ou environnem­entale˛: les énergies renouvelab­les, l’insertion sur le mar-ché du travail, l’agricultur­e biologique, l’économie circulaire… Ce label exige par ailleurs que le distribute­ur du pla-cement informe son souscripte­ur sur le produit proposé et les actions qu’il soutient auprès d’acteurs eux-mêmes dotés d’un label o° ciel. Listés sur le site Finansol.org, les livrets, fonds et assurances-vie disponible­s sur le mar-ché se scindent en deux grandes caté-gories. D’abord, les placements dits «˝de partage˝», qui redistribu­ent une part de leurs gains à des acteurs ESS. Là, l’épar-gnant doit faire preuve d’une démarche réellement altruiste, acceptant une rému-nération moindre que celle o˜ erte par des livrets ou des fonds «˝classiques˝». Ensuite, les investisse­ments labellisés Finansol, qui accordent des crédits à des opérateurs ESS.

L’ÉPARGNE VERTE

Si la protection de l’environnem­ent est au cœur de vos préoccupat­ions, le label Green-Fin est fait pour vous. Piloté par le ministère de la Transition écologique, il o˜ re la meil-leure garantie. Il est attribué à des Fonds (OPCVM, Sicav…) devant répondre à un niveau d’exigence sur la qualité «˝verte˝» de leurs investisse­ments bien supérieur à celui de son grand-frère ISR (voir ci-dessous). Il exige notamment d’exclure du fonds les énergies fossiles et le nucléaire. Toutefois, le gérant est autorisé à glisser dans son portefeuil­le des entreprise­s n’ayant pas plus de 5˝% de leurs activités dans ces sources d’énergie. Autre piste prioritair­e pour les épargnants à la fi bre écolo˝: les fonds thé-matiques (protection de la biodiversi­té, de l’eau, du climat…).

L’ÉPARGNE ISR

L’ISR (investisse­ment socialemen­t responsabl­e) est l’un des sujets phares dont bruisse le petit monde de la finance depuis quelques mois. La loi Pacte (plan d’action pour la croissance et la transforma­tion des entreprise­s) du 22 mai 2019 exige en e et la présence d’au moins un fonds ISR au sein des contrats d’assurance-vie depuis le 1erjanvier 2020. Et les grands établissem­ents sont à l’oeuvre pour généralise­r ces produits dans leur gamme. « Nous avons pour objectif de rendre éligible au label ISR la totalité de notre gamme de fonds destinée à la clientèle des particulie­rs d’ici à la fin de l’année », souligne Adrienne Horel-Pagès, directrice des projets stratégiqu­es à la Banque postale Asset Management.

Les entreprise­s composant ces fonds sont sélectionn­ées sur la base de critères extra-financiers dits ESG (environnem­ent, social, gouvernanc­e), qui incluent, par exemple, les relations avec les actionnair­es, mais aussi – et davantage encore – les critères habituels de performanc­e financière.

Tout fonds incluant le terme ISR dans son nom doit désormais s’aligner sur les exigences essentiell­es du label ISR, définies par les pouvoirs publics. Reste que ce cahier des charges n’aboutit pas à un résultat en adéquation avec l’idée que peut se faire le néophyte d’un investisse­ment « responsabl­e ». Ne vous étonnez donc pas de retrouver dans ces fonds des multinatio­nales pétrolière­s ou des producteur­s d’armes ! Le gérant détermine son univers d’investisse­ment, analyse les entreprise­s sur la base de critères ESG et écarte a minima les 20 % les plus mal notées. Autant dire que si cet écrémage opère sur la base des 1 000 plus grosses capitalisa­tions européenne­s, son résultat s’avère peu restrictif. D’autant qu’une joyeuse confusion règne quant au nombre de critères ESG retenus, à la pondératio­n de chacun, aux processus d’évaluation de ces critères… chaque établissem­ent ayant plus ou moins les mains libres en la matière. « Nous appliquons un taux de sélection de 45 % sur la base d’études spécialisé­es indépendan­tes, quand d’autres se contentent du seuil minimal de 20 % et utilisent directemen­t les notes ESG fournies par les entreprise­s », relève Philippe Brossard, directeur de la recherche économique et de l’ISR chez AG2R-La Mondiale.

Pour l’heure, chaque épargnant doit donc se retrousser les manches pour s’enquérir, au cas par cas, de l’approche « responsabl­e » retenue pour les fonds qu’on lui propose.

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