Frédéric Potier
Violences homophobes, provocations de Zemmour, haine sur les réseaux sociaux… Le “Monsieur antiracisme” du gouvernement ne manque malheureusement pas de travail
1 HOMOPHOBIE
Ce n’est pas tous les jours qu’un préfet participe à des Gays Games. Marathonien, Frédéric Potier, 40 ans, l’a fait à Paris en 2018, et pas que pour le plaisir : il dirige la Délégation interministérielle à la Lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah). Avec la ministre Elisabeth Moreno, il a concocté le plan national contre les discriminations anti-LGBT, qui prévoit notamment de sanctionner « les thérapies de conversion » et des formations pour l’accueil dans les commissariats des victimes de violences homophobes.
Il y a du boulot : on en a dénombré 1 870 l’an passé.
2 ANTI ZEMMOUR
Les mineurs isolés ? Des « violeurs », « voleurs », « assassins », lâche Eric Zemmour sur CNews le 1er octobre. Le polémiste lui donne beaucoup de travail. A chacune des provocations susceptibles de tomber sous le coup de la loi, le « Monsieur antiracisme » du gouvernement saisit le procureur.
3 DÉMINEUR
C’est ainsi qu’il définit sa mission. Il pourrait passer son temps sur les plateaux télé, à réagir aux tweets racistes ou aux clips antisémites du rappeur Freeze Corleone (à propos duquel il a aussi saisi la justice). Frédéric Potier le fait parfois. « Quand il y a eu l’affaire des statues déboulonnées, il s’est mouillé. Ils n’étaient pas cinquante à le faire au sein du gouvernement », dit un observateur. Mais l’énarque préfère le travail de fond et de soutien aux associations (SOS Racisme, Licra…), quitte à être discret.
4 CASTING
François Hollande l’a nommé quelques jours avant de céder le pouvoir à Emmanuel Macron, qui l’a maintenu à la tête de la Dilcrah. « Pourquoi moi, jeune haut fonctionnaire, blanc, athée et hétérosexuel ? », s’interroge-t-il dans « la Matrice de la haine » (Editions de l’Observatoire). Réponse : parce qu’il avait de bons états de service sur des dossiers sensibles – Nouvelle-Calédonie,
Guyane – et était apprécié de Patrick Strzoda, à l’époque directeur de cabinet de Bernard Cazeneuve et aujourd’hui du président de la République. Potier avait aussi le bon profil : techno-politico-médiatique et pas clivant.
5 VALLS
Il est de l’école Manuel Valls, comme le nouveau « Monsieur antiradicalisation », Christian Gravel (lui aussi passé par la Dilcrah). Frédéric Potier a été conseiller outre-mer de l’ancien Premier ministre et continue d’échanger avec lui : « J’ai une grande admiration pour lui. » Valls, monté au front à l’époque contre Dieudonné et qui avait renforcé les moyens de la Dilcrah, loue les « convictions républicaines très puissantes » et la « finesse d’analyse » de « ce garçon plein d’avenir ».
6 DEUXIÈME GAUCHE
Chez les parents Potier, à Pau, on lisait « Télérama » et on écoutait FranceInter. Le père est ingénieur, la mère, prof de sport. Le fils, lui, revendique « un ADN de gauche » (il a aussi été conseiller de Claude Bartolone) et son admiration pour « des humanistes républicains de gauche, comme René Cassin ou Clemenceau ». En ce moment, ce père de deux enfants relit les oeuvres complètes de Pierre Mendès-France, sur lequel il aimerait écrire.
7 UNIVERSALISME
Il sait bien que ce n’est pas à la mode à l’heure où chacun revendique sa minorité ou son identité, mais, pour lui, « l’universalisme a précisément pour finalité de ne pas reconnaître de spécificités culturelles, sociales ou raciales pour garantir à tous les mêmes droits politiques et les mêmes garanties ». Certes, « il y a une grande fascination intellectuelle en France pour des concepts américains, mais nous n’avons pas la même histoire, le même rapport à la ségrégation raciale, à l’esclavage… Et les effets de mode, ça passe ! ».
8 POLICE
Il récuse l’idée d’un « racisme d’Etat », le terme de « violences policières » : « Je ne suis pas dans le déni, il y a des difficultés, mais l’immense majorité des policiers est très attachée aux droits », dit celui qui fait le tour des écoles de police. Il n’a jamais rencontré Assa Traoré, qui mène le comité La Vérité pour Adama.
9 “ISLAMOPHOBIE”
Un terme piégé, selon lui. Il dénonce l’approche « communautariste et antirépublicaine » du Collectif contre l’Islamophobie en France, à l’origine d’une marche le 10 novembre 2019 et qui remet en cause les lois sur le voile. Potier préfère parler d’actes antimusulmans : « 42 % des musulmans qui résident en France estiment avoir été victimes d’une discrimination au moins une fois au cours de leur vie, c’est un chiffre élevé » (enquête Dilcrah et Fondation Jean-Jaurès).
10 AMIS
Il loue la modération de la rabbin Delphine Horvilleur ou de l’écrivaine Tania de Montaigne récusant l’idée de « privilège blanc ». Il échange avec l’essayiste David Djaïz. Il cite aussi l’éditorialiste Caroline Fourest. Jérémie Peltier, le directeur des études à la Fondation Jean-Jaurès, est un ami : « C’est un amoureux de la littérature, dit ce dernier, un grand fan de Romain Gary, qui écrit aussi des chroniques sur des livres. »