Une épidémie incurable
LES ENFIÉVRÉS, PAR LING MA, TRADUIT DE L’ANGLAIS (ÉTATS-UNIS) PAR JULIETTE BOURDIN, MERCURE DE FRANCE, 352 P., 23,80 EUROS.
Le premier roman de Ling Ma (photo) résonne aujourd’hui comme une prémonition de la crise sanitaire internationale provoquée par le Covid-19, et, qui sait, d’autres pandémies à venir. Salué en 2018 comme une excellente uchronie, il avait valu à son auteure le Kirkus Prize. La narratrice, Candace Chen, travaille dans une entreprise éditoriale new-yorkaise quand la « fièvre de Shen », apparue à Shenzhen, commence à sévir à l’automne 2011. Transmise par des spores fongiques microscopiques, elle transforme ses victimes en zombies qui répètent ad infinitum les mêmes gestes jusqu’à ce que mort s’ensuive. Son récit fait alterner le présent, celui du groupe de survivants qui l’a secourue, dirigé par un gourou autoproclamé, et son passé, celui d’une immigrante chinoise soucieuse de s’intégrer, au point de poursuivre son travail jusqu’à ce que New York soit désertée. Le contraste entre la prose sobre et retenue de Ling Ma et l’apocalypse qu’elle décrit met en évidence la vanité de la société consumériste, de ses conditionnements et de l’idolâtrie du travail. Sa dénonciation de la fragilité du système qui régit le monde contemporain renvoie à la nature même de l’existence. Tant que le marché prévaudra sur l’homme, le pire est à prévoir.