Le mystère olmèque
LES OLMÈQUES ET LES CULTURES DU GOLFE DU MEXIQUE. MUSÉE DU QUAI-BRANLY-JACQUES-CHIRAC, PARIS-7E. JUSQU’AU 25 JUILLET 2021.
Ce qu’on ignore sur les Olmèques pourrait remplir un musée. C’est sans doute ce mystère qui les rend sympathiques. Les civilisations disparues ne laissent derrière elles que leurs parts admirables : leurs arts, leurs dieux. Le reste (la guerre, la violence politique ordinaire) s’efface comme la mémoire, et tant mieux. Les Olmèques ont prospéré dans le golfe du Mexique il y a bien longtemps, avant les Mayas, de 1600 à 400 av. J.-C., datation bien entendu discutée. Ils n’étaient pas un peuple, mais un ensemble de peuples plus ou moins liés, ne se percevant sans doute pas comme parties d’un même tout. « Olmèque » n’est même pas leur nom : c’est un mot forgé par les Mexicas, des millénaires plus tard, qui signifie « les hommes vivant là où il y a du caoutchouc ». Les archéologues, au xxe siècle, l’ont repris et le leur ont attribué arbitrairement. Ajoutons qu’en plus d’un millénaire d’existence, ce monde olmèque, s’il existe, a connu bien des bouleversements.
Cela posé, il s’est bien produit quelque chose d’important sur ce golfe-là, à ce moment-là : l’apparition semble-t-il ex nihilo d’une société complexe, et la fondation d’une lignée culturelle glorieuse qui englobera la civilisation maya et l’empire aztèque. L’exposition du QuaiBranly documente l’événement autant qu’il peut l’être. On a découvert l’existence des Olmèques assez récemment. C’est un paysan de la région de Veracruz qui, en 1858, a trouvé la première de leurs « têtes colossales ». (On en a trouvé seize autres depuis.) Ils sont les premiers à avoir laissé des constructions de grande échelle, des autels, des stèles, des pyramides. Ils sont aussi, probablement, les premiers à avoir pratiqué l’écriture sur le continent américain, autour de 1000 av. J.-C. – une écriture très belle mais toujours indéchiffrable. Ils ont conçu le fameux calendrier maya, dit « compte long ». Posé les bases d’un urbanisme révolutionnaire. Esquissé une cosmologie (l’univers étagé en trois niveaux) et une écologie rituelle qui auront cours longtemps après leur disparition. Leur architecture et leur magnifique statuaire (voir le fascinant « Jeune Homme assis »), ainsi que leur usage de matériaux venus de loin, comme le jade, indiquent qu’ils ont atteint un degré d’organisation politique inédit. Ça méritait bien qu’on leur donne un nom, même faux.