Pourquoi l’Iran fait peur
L’Iran fait peur. Parce que son ingérence au Moyen-Orient semble ne plus avoir de limites depuis l’envoi de missiles et de drones sur Israël. Mais surtout parce qu’il est devenu « un pays du seuil », c’està-dire un pays qui peut, grâce aux activités clandestines qu’il mène à côté de son programme nucléaire civil, se doter de la bombe atomique en quelques semaines. Malgré la politique d’assassinats ciblés d’ingénieurs iraniens conduite notamment par les services israéliens, une connaissance « irréversible » dans la façon d’enrichir plus rapidement de l’uranium a été acquise par le régime des mollahs. Rapidement, si rapidement que le programme « galope »,a déclaré Rafael Grossi, directeur de l’Agence internationale de l’Energie atomique (AIEA), au World Economic Forum.
Pourtant, dans le cadre d’un accord signé en 2015, l’Iran était censé bénéficier d’un allègement des sanctions occidentales en échange du contrôle strict de son programme nucléaire civil. Mais voilà, Donald Trump a retiré unilatéralement les Etats-Unis de cet accord en 2018, et Téhéran en a profité pour s’affranchir d’une grande partie de ses obligations : les inspections prévues par le traité de non-prolifération ont été réduites à leur portion congrue, les caméras de surveillance éteintes et l’accréditation d’experts nucléaires supprimée… Un rapport, publié la semaine dernière par le « Washington Post », révèle ainsi que l’Iran a doublé sa production d’uranium enrichi sur le site nucléaire de Fordow. La République islamique disposerait même actuellement d’une quantité d’uranium enrichi suffisante pour fabriquer plusieurs bombes nucléaires en quelques semaines.
Reste toutefois une inconnue, et non des moindres : si l’Iran possède la matière, maîtrise-t-elle la technique? Une bombe atomique nécessite des opérations complexes de miniaturisation pour pouvoir être installée sur la tête d’un missile. Si la création d’une bombe rudimentaire pourrait prendre six mois, la production d’une ogive capable d’être montée sur un missile pourrait, en revanche, nécessiter encore plusieurs années. Par ailleurs, l’AIEA a reconnu que le stock de l’Iran en uranium enrichi à 60 % en isotope 235 (celui nécessaire aux bombes atomiques) a baissé en 2024. Cette légère baisse (estimée à 5 %) du stock a peut-être pour objectif de ne pas accroître la tension avec les puissances occidentales, déjà à son comble depuis le 7 octobre. Car dans sa lutte contre Israël comme dans sa course à la bombe nucléaire, la République islamique prend soin de maintenir sa pression juste en dessous d’une ligne rouge qui provoquerait l’intervention militaire des Américains. Même si l’on peut se demander si le régime iranien, désormais contrôlé par la frange la plus rétrograde des gardiens de la révolution, sait encore évaluer ce seuil…
Paradoxalement le frein au programme nucléaire de Téhéran pourrait être activé par ses alliés russes et chinois, qui s’inquiètent de la prolifération nucléaire anarchique que la bombe iranienne risque de provoquer dans toute la région. Les Saoudiens, sur les rails du nucléaire civil, n’ont-ils pas déjà fait savoir qu’ils ne laisseront pas leur rival régional obtenir la bombe atomique sans réagir ? L’Iran avec son régime fanatique fait donc peur. Et plus seulement à sa jeunesse qui, courageusement entrée en révolte depuis dix-huit mois, subit une répression cruelle. Et plus seulement aux puissances occidentales.
C’est un pays qui peut se doter de la bombe atomique en quelques semaines.