MELLIE AU PAYS DES HORREURS
LE PASSAGER DE LA PLUIE
Film policier français de René Clément (1970). Avec Marlène Jobert, Charles Bronson, Annie Cordy. 1h53.
L’atmosphère onirique de la Côte d’Azur et sa mise en scène stylée rapprochent « le Passager de la pluie » du giallo, le polar italien alambiqué avec ses assassins masqués et ses machinations folles. Qui est cet homme en imperméable, au visage de cire, qui apparaît à chaque coin de rue à Mellie, une jeune femme au foyer ? Qui est Harry Dobbs, cet Américain à l’allure de truand, dangereux et charmeur, qui la harcèle pour lui faire avouer un crime ? Et, surtout, qui est vraiment Mellie, cette victime désignée, timorée et rêveuse comme une petite fille, mais capable de manier le fusil de chasse ? L’autre mystère est la carrière insaisissable de René Clément, alternant grosses productions efficaces (« la Bataille du rail », « Paris brûle-t-il ? ») et thrillers insolites comme « Plein soleil », « les Félins », « la Maison sous les arbres » ou ce « Passager de la pluie ». Rien n’est vraiment ce qu’il paraît être et derrière le thriller à chausse-trapes se cache un hommage à Lewis Carroll, cité en exergue. Marlène Jobert (photo), femme-enfant en manteau et bottes de vinyle blancs, est Alice, Charles Bronson (photo), souriant malicieusement derrière sa moustache, le chat du Cheshire, et Corinne Marchand, tenancière de « maison » chic pour hommes d’affaires, la Reine de coeur. A la place des bonbons magiques, Mellie est saoulée au whisky par Dobbs et passe son aventure dans un état second, hantée par des souvenirs d’enfance. Ce mélange de film noir et de conte cruel porte aussi la marque de son scénariste, l’écrivain Sébastien Japrisot. Mélanie alias Mélancolie alias Mellie s’inscrit dans la lignée des héroïnes aux identités multiples de Japrisot, à la fois fatales et innocentes, telles Loï dans « Piège pour Cendrillon », Dany dans « la Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil » et, bien sûr, Eliane, la fascinante « Elle » de « l’Eté meurtrier ». « Le Passager de la pluie » eut par ailleurs une surprenante postérité puisqu’il inspira à Jim Morrison « Riders on the Storm », sans doute la plus belle chanson des Doors.