L'Obs

La jeune fille en feu

- Sophie Grassin

Influences. Le Kosovo, où Luàna Bajrami, née en France, a grandi jusqu’à l’âge de 8 ans. Dans « la Colline où rugissent les lionnes », son premier long, elle suivait trois jeunes filles en quête d’indépendan­ce. Dans « Notre monde », elle colle à Zoé et Volta, qui, en 2007, larguent tout pour intégrer l’université de Pristina. Voyage en bagnole, un souvenir d’enfance – « pour aller au Kosovo, nous traversion­s l’Europe en caisse », dit la cinéaste – et tribut au cinéma américain « et ses guimbardes vieillotte­s ». A la fac, la désillusio­n rattrape les deux héroïnes. Comme dans « Karnak Café », de Naguib Mahfouz, lu avant le tournage, où des enfants de la révolution égyptienne de 1952 échangent sur un pays resté coincé « sous un joug de lâchetés ». Politique. En 2007, le Kosovo tente de se reconstrui­re mais attend toujours l’indépendan­ce. Désertion des profs, institutio­n incapable d’ouvrir des perspectiv­es à sa jeunesse… La cinéaste filme une génération sacrifiée, le rien sans artifices et l’heure des choix : Zoé fait le sien, Volta la juge. La mise en scène où tout était jusqu’alors vu du point de vue des deux filles sépare alors les (incroyable­s) actrices. L’image a du grain, le film, du caractère. Il s’est d’abord intitulé « On rêvait d’un autre monde » : « Trop Téléphone, admet-elle, ce titre-là me paraissait plus universel, comme le sujet qui pourrait s’ancrer en France, même si le contexte et la menace ne sont pas les mêmes. »

Urgence. A 10 ans, elle joue dans une fiction télé et filme ses copains de primaire avec sa caméra Hello Kitty. Elle travaille ensuite avec Cédric Kahn puis Céline Sciamma, qui, sur « Portrait de la jeune fille en feu », l’encourage. Le duo Nakache-Toledano produit « Notre monde ». Elle écrit des scénarios, mise tout sur la fougue de l’instant. Elle n’a que 24 ans.

Notre monde, par Luana Bajrami, avec Albina Krasniqi, Elsa Mala (France-Kosovo, 1h25).

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