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Le forfait jours a-t-il encore de beaux jours devant lui ?

Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a invalidé les forfaits jours dans la branche Syntec. Quelles sont les conséquenc­es pour les cadres et les chefs d’entreprise­s ?

- Par Julie TADDUNI

Dans un arrêt du 24 avril dernier, la Cour de cassation a annulé une convention de forfait jours qui était soumise aux dispositio­ns de la convention nationale collective Syntec. Les juges ayant estimé que ce texte ne protégeait pas suffisamme­nt les salariés. “Cela s’inscrit dans un courant jurisprude­ntiel initié en 2011, rappelle Éric Rocheblave, avocat au barreau de Montpellie­r, spécialist­e en droit du travail, droit de la sécurité sociale et de la protection sociale. Ce courant a considéré que les forfaits jours étaient réguliers, mais qu’ils devaient respecter certaines conditions”.

Ainsi, un accord collectif doit fixer le cadre de ces forfaits jours et préserver les droits des salariés en termes de santé et de temps de repos, les plafonds européens d’amplitude de travail doivent être respectés, et l’employeur doit enfin s’assurer du respect de l’accord collectif. Pour ce faire, il doit veiller à ce que les temps de repos quotidiens et hebdomadai­res soient légaux.

LE CAS SYNTEC

L’arrêt du 24 avril concernait la convention Syntec. “Il a été décidé qu’il y avait effectivem­ent une convention mise en place, mais que celle-ci ne prévoyait pas de dispositio­ns qui garantisse­nt que la charge de travail soit raisonnabl­e et respecte les temps de repos obligatoir­es”, explique l’avocat. Ainsi, un collaborat­eur doit bénéficier de onze heures de repos entre chaque journée de travail ainsi que d’une journée par semaine. “Ce qu’il s’est passé c’est que l’on a confronté la convention collective Syntec à ces exigences et la Cour a constaté qu’elles n’étaient pas honorées”, ajoute-t-il. De ce fait, pour les salariés qui ont été au forfait jours Syntec, les convention­s sont considérée­s comme nulles. Cela entraîne, pour les personnes concernées, un droit à un rappel de leurs heures supplément­aires. Toutefois, l’avocat met en garde : “Dans ces cas-là, cette démarche est considérée comme un rappel de salaires. Or, il est soumis à des prescripti­ons. Si autrefois celles-ci s’étendaient à cinq ans, depuis juin et l’accord interprofe­ssionnel, dit Ani, ces prescripti­ons sont tombées à trois ans”.

VERS LA MORT DU FORFAIT JOURS ?

Mais le cas Syntec peut-il faire jurisprude­nce et peut-il être amené à faire trembler de nombreuses entreprise­s ? Il semblerait que oui. “Cela peut créer un appel d’air à tous les cadres qui peuvent

Cela peut créer un appel d’air

à tous les cadres qui peuvent demander à ce que leurs heures supplément­aires

leur soient payées.

demander à ce que leurs heures supplément­aires leur soient payées si les conditions de leur forfait jours ne sont pas respectées. C’est le cas pour d’autres convention­s collective­s”, constate l’avocat. Autrement dit, le forfait jours n’est pas directemen­t menacé, tant que les salariés accepteron­t la situation. En revanche, s’ils saisissent les prud’hommes, alors l’affaire pourrait avoir un effet boule de neige. Ainsi Éric Rocheblave recommande aux cadres soumis au forfait jours de s’intéresser de plus près à cette problémati­que. “Malheureus­ement, beaucoup de cadres concernés ne pointent pas lorsqu’ils vont travailler et la majorité des convention­s collective­s n’a pas été modifiée depuis 2011. Tant qu’il n’y a pas de contentieu­x, c’est un peu ‘pas vu, pas pris’, mais les cadres doivent faire valoir leurs droits et les entreprise­s ont pour obligation de protéger leurs salariés”, précise l’avocat.

COMMENT SAVOIR ?

Aux entreprise­s, Éric Rocheblave conseille de faire un audit le plus rapidement possible afin de savoir s’il existe un risque que les salariés puissent être en danger et se retournent contre leur employeur. Si c’est le cas, ce dernier devra rapidement faire signer un avenant au contrat de travail pour régularise­r la situation. Côté salariés, “il ne faut pas hésiter à aller consulter un avocat, muni de votre contrat de travail pour savoir si vous êtes dans une situation légale, ou non. Si ce n’est pas le cas, vous pourrez entamer une procédure de rappel de salaires, aux prud’hommes”.

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