Le jouet résiste à la crise
Un marché qui se joue de la crise
Si le marché du jouet s’est un peu ralenti en 2012, le secteur semble pour l’instant avoir renoué avec son dynamisme des années précédentes. Les parents, en tout cas, font le choix de ne pas sacrifier les postes de dépenses consacrés aux enfants, ce qui a permis au secteur de se maintenir malgré la crise. Ne reste plus aux constructeurs qu’à s’adapter aux envies, changeantes, des enfants.
Dans les ménages français, la tendance est plutôt à la restriction budgétaire. Selon une note de l’Insee, les dépenses de consommation ont baissé de 0,1 % entre août 2013 et août 2012. Mais si des postes cruciaux comme l’alimentation commencent à être sacrifiés (- 0,9 %), les dépenses liées aux enfants semblent au contraire être préservées. Le secteur du jouet, en tout cas, se porte bien. Après trois années de hausses sensibles, le marché avait, certes, connu un recul de 2 % sur l’année 2012. En revanche, il semble en bonne voie pour l’année 2013. “Selon les chiffres à fin août, la progression du secteur était de 2 % par rapport à l’année dernière, ce qui n’est pas mal du tout, souligne Michel Moggio, directeur général de la Fédération française des industries du jouet et de puériculture. Le marché du jouet est très saisonnier. Sur la période de janvier à septembre, 35 % des ventes seulement sont effectuées. Les 65 % restant se réalisent sur les derniers mois de l’année, avec les sorties de Noël. Mais en général, cette seconde période confirme la tendance du début d’année,
“Le budget consacré à l’enfance ne bouge pas. Dans certains ménages, ” il augmente même !
donc nos attentes pour cette fin 2013 sont plutôt optimistes. Le budget consacré à l’enfance ne bouge pas. Dans certains ménages, il augmente même !”. À cette tendance s’ajoutent des données démographiques et socio-économiques à ne pas négliger. La France conserve un taux de natalité élevé : 822 000 naissances ont été enregistrées en 2012 selon l’Insee. Dans l’UE 27 en 2011, seule l’Irlande a connu un taux de fécondité plus élevé que celui de la France avec 2,07 enfants par femme depuis 2008, contre 2,01 en France. D’un point de vue socio-économique, les mamans, de plus en plus matures (les 30-34 ans correspondent désormais à la tranche majoritaire), travaillent en très grande majorité et disposent donc d’un pouvoir d’achat plus élevé, selon la FJP.
LE SUCCÈS DU LUDOPÉDAGOGIQUE
Outre ses données fondamentales qui permettent de soutenir le marché, la bonne croissance du secteur est due aussi à d’autres facteurs structurels. “Le jouet se porte sur deux jambes : les classiques et les nouveautés. Il se trouve que ce sont les sous-secteurs traditionnels qui soutiennent le marché. Ils sont toutefois redynamisés chaque année par de nouvelles collections, mais la bonne progression actuelle n’est pas due à des effets de modes ni à de
“
Les spécialistes ont su se réinventer en allant en périphérie et grandes.” en optant pour des surfaces plus
grandes nouveautés, ce qui peut parfois être le cas”, remarque-t-il. Les poupées mannequins type Barbies se vendent toujours très bien. Elles se positionnent en tête des ventes de la catégorie poupées et poupons en tout genre (14 % du marché), avec une progression de 22 %. Les véhicules et hélicoptères séduisent toujours les consommateurs (8 % du marché, progression de 14 %), de même que les jeux de construction (8 %, + 12 %). “Dans les jeux de société, ce sont également toujours les mêmes titres qui se placent en tête du hit parade, comme le Monopoly.” Cette catégorie, avec celle des cartes stratégiques, connaît une progression de 8 %. Le segment des 0 à 4 ans occupe un quart des parts de marché. Il connaît une progression de 12 % par rapport à l’année dernière. “Ce secteur concerne le préscolaire et touche à des jouets qui aident l’enfant à se préparer à l’école : éveil physique et intellectuel, comme avec les tapis pour les moins de 18 mois. Pour la tranche d’âge supérieure, il est tiré par les tablettes pour enfants. En règle générale, le ludo-pédagogique rencontre un grand succès.”
L’ATOUT DES COLLECTIONS
En revanche, le secteur du jouet voit son champ de perspective se réduire à cause des évolutions des comportements et de l’effet KGOY1. “Nous perdons les enfants beaucoup plus tôt. Auparavant, une petite fille continuait de jouer à ses poupées jusqu’à 10, 12 ans. Aujourd’hui, c’est rare qu’elle continue après 8 ans.” Pour se renouveler, les constructeurs travaillent donc à adapter leurs produits aux nouveaux besoins et envies des enfants. Sans inno
vation, même les marques très établies auraient du mal à se maintenir, selon Michel Moggio. Le principe des nouvelles collections chaque année, avec des variations de thématiques, leur permet de conserver leurs marges. Une parade consiste sinon à miser sur les jouets à collectionner. “Les enfants ne jouent pas avec les produits mais ils vont vouloir posséder toute la gamme. Les licences type Star-Wars fonctionnent bien. Elles concernent d’ailleurs aussi les adultes collectionneurs.” Enfin, la France maintient son dynamisme grâce aux marques nationales. En 2012, le pays se tenait sur la troisième marche du podium européen pour la production, derrière l’Allemagne et l’Italie.
PETITE CONCURRENCE D’INTERNET
En termes de distribution, les spécialistes du jouet tels que Toys R Us ou Joué Club se taillent la part du lion. Ils représentent 45 % du marché en France, selon la FJP. “C’est une spécificité française, indique Michel Moggio. Avant, les spécialistes occupaient des petites boutiques de coin de rue. Or, depuis 20 ans, le marché a été tiré vers les hypers. En France, ils ont su se réinventer en allant en périphérie et en optant pour des surfaces plus grandes. Les spécialistes ont ainsi réussi à placer l’offre en face de la demande. Ce n’est pas le cas en Allemagne ou en Italie, par exemple.” Le reste du marché se partage principalement entre les grands distributeurs alimentaires (35 %) et la vente par Internet (10 %), qui occupe une part croissante du marché. En revanche, l’occasion ne serait pas vraiment une menace pour le secteur, malgré l’engouement actuel pour ce type de consommation alternatif, notamment auprès des parents. “Les jouets sont transmis au sein même de la famille à 90 %, note Michel Moggio. Sinon, les parents préfèrent en général acheter des jouets en bon état, et notamment neufs. Les réglementations de sécurité évoluent, ils préfèrent que leurs achats pour leurs enfants soient aux normes.”