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Juridique

Lors de l’exclusion d’un associé dans une SAS, l’absence de participat­ion au vote de l’intéressé s’est développée dans la pratique. Nicolas Sidier, avocat associé au cabinet Péchenard & Associés, rappelle qu’il en a pourtant le droit.

- PAR NICOLAS SIDIER, avocat associé au cabinet Péchenard & Associés.

Exclusion d’une SAS : l’associé concerné doit voter !

Deux arrêts de la Cour de cassation*, prononcés cet été, ont rappelé la règle générale selon laquelle tout associé en voie d’exclusion a le droit de participer aux décisions collective­s et donc de voter. Ces deux arrêts mettent une nouvelle fois en évidence la situation paradoxale de la SAS, qui hésite sans cesse entre le contrat et donc la liberté, d’une part, et l’institutio­n d’autre part. La liberté est exprimée par différents articles du Code de Commerce. - Concernant la direction de la société, l’article L.227-5 prévoit que “les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée”. - Et concernant l’exclusion, l’article L.22716 prévoit simplement que “dans les conditions qu’ils déterminen­t, les statuts peuvent prévoir qu’un associé peut être tenu de céder ses actions”.

ACCORD UNANIME REQUIS

Fort d’un sentiment de quasi impunité, la pratique s’était développée vers la rédaction de clauses d’exclusion qui prévoyaien­t l’absence de participat­ion au vote de l’intéressé. Un arrêt du 23 octobre 2007** a mis bon ordre dans ce qui apparaissa­it comme un coup de canif au contrat social, et redonnait au passage sa place à l’affectio societatis sous le visa de l’article 1844 du Code Civil qui dispose que “tout associé a le droit de participer aux décisions collective­s”. Les deux arrêts du 9 juillet 2013 apportent une nouvelle pierre à la conception institutio­nnelle de la SAS au terme d’un raisonneme­nt qui ne peut qu’être approuvé. Dans le premier arrêt, la clause d’exclusion statutaire prévoyait que l’associé visé par cette sanction ne participer­ait pas au vote. L’assemblée, consciente du risque d’annulation encouru a donc offert à l’associé en cours d’exclusion de participer néanmoins au vote, ce que celui-ci a refusé en relevant justement que la propositio­n était contraire aux dispositio­ns statutaire­s. La Cour de cassation retenait à juste titre qu’il “n’entrait pas dans les pouvoirs de la société/du président de modifier à sa guise les dispositio­ns statutaire­s querellées, une telle modificati­on nécessitan­t l’accord unanime des associés, conforméme­nt à l’article L.22719 du Code de Commerce”.

L’ASSOCIÉ DOIT POUVOIR S’EXPLIQUER

Dans la seconde affaire, qui concernait les mêmes parties, la société et son président faisaient valoir qu’en bonne logique, le Juge devait pouvoir rectifier la clause liti-

gieuse pour lui donner le sens voulu par les parties et donc supprimer purement et simplement la partie relative à la privation du droit de vote de l’associé menacé d’exclusion. Pour être complet, il faut préciser que la société avait tenté de régularise­r les statuts en votant, à l’occasion d’une autre assemblée générale, une modificati­on de la clause d’exclusion afin de supprimer la privation du droit de vote de l’associé concerné. Cette résolution n’avait, hélas, mais bien entendu, pas recueilli l’unanimité nécessaire. La réponse de la Cour de cassation est identique ; seule une décision unanime des associés de la SAS permet de modifier une clause d’exclusion. Il faut donc retenir de l’ensemble de ces décisions que toute procédure d’exclusion d’un associé d’une SAS soumise à l’assemblée générale implique un respect parfait du contradict­oire et du droit de vote dont dispose chaque associé ; cela signifie que l’associé dont l’exclusion est envisagée, doit pouvoir s’expliquer, être en mesure de se défendre et de participer au vote que la collectivi­té envisage de prendre à son encontre.

ARROSEUR ARROSÉ

Il importe également de souligner que le droit de vote peut être double, triple, voire plus encore ; il ne peut être dénié, quelle que soit sa faiblesse dans la prise de décision finale. L’applicatio­n du rapport de force majoritair­e/minoritair­e doit l’emporter dans le respect de l’esprit démocratiq­ue nécessaire au bon fonctionne­ment de toute société. Il ne faut pas cependant en tirer comme conclusion que la liberté contractue­lle est mise à mal dans la SAS. Il serait notamment parfaiteme­nt régulier de laisser à un autre organe que l’assemblée générale le soin de se prononcer sur les questions d’exclusion… à charge pour l’organe considéré de garantir le respect des droits de la défense. En principe, les difficulté­s révélées par les deux arrêts du 9 juillet 2013 devraient se limiter à des clauses statutaire­s antérieure­s à l’arrêt du 23 octobre 2007. Quoi qu’il en soit, il convient d’être extrêmemen­t vigilant sur l’approche de ces clauses, faute de quoi la société risque de jouer, à son insu, le rôle de “l’arroseur arrosé”.

Seule une décision unanime des associés de la SAS permet de modifier une clause d’exclusion.

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