Chroniques de Jurisprudence
Question de curseurs, encore et toujours !
CASS. COM, 10 SEPTEMBRE 2013, POURVOI N° 12-11701
Aux franchiseurs qui se demandent jusqu’où ils peuvent aller en matière de e-commerce, l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 10 septembre 2013 apportera d’utiles précisions. De prime abord, il se borne à reprendre la règle posée par le fameux arrêt Flora Partner du 14 mars 2006 (pourvoi n° 0314639) selon laquelle “la création d’un site Internet n’est pas assimilable à l’implantation d’un point de vente dans le secteur protégé”. Cependant et ici, les juges du fond avaient écarté cette règle et avaient prononcé la résiliation du contrat aux torts du franchiseur en relevant que “les prix de ce site sont bien moindres que ceux du catalogue (…), ce qui a conduit une partie de la clientèle potentielle de la société (franchisée) à préférer à un achat dans le magasin de celle-ci une commande par Internet directement auprès de la société (franchiseur)”. Il n’était pas indifférent par ailleurs pour la cour d’appel que “ces commandes ont été livrées dans ledit magasin sans pour autant que ce dernier perçoive sa légitime commission, laquelle vu cette légitimité n’avait pas à être demandée par lui”. La Cour de cassation censure l’arrêt en retenant - dans un attendu lapidaire - que “le contrat se bornait à garantir au franchisé l’exclusivité territoriale dans un secteur déterminé”. Sur le plan juridique donc, toute latitude est laissée au franchiseur pour promouvoir son site marchand, sans que les franchisés ne puissent rien exiger. Encore ne faut-il pas perdre de vue l’approche économique, les franchisés étant légitiment préoccupés par le fait que le développement du site marchand de leur franchiseur ne déséquilibre pas le réseau des points de vente…
“
Sur le plan juridique, toute latitude est laissée au franchiseur pour promouvoir son site
marchand, sans que les franchisés ne puissent
rien exiger.”
CASS. COM, 24 SEPTEMBRE 2013, POURVOI N° 12-13250
Comme l’avaient fait en leur temps certains commissionnaires affiliés prétendant percevoir une indemnité de fin de contrat, un masterfranchisé avait imaginé de soutenir que, “s’il y a intérêt des deux parties à l’essor de l’entreprise par création et développement de la clientèle, le contrat doit être requalifié en mandat d’intérêt commun”. Ainsi et selon cette société masterfranchisée, indemnisation lui était due dès lors “qu’elle avait développé, au nom et pour le compte du fournisseur, un réseau de franchisés (…), sans se créer de clientèle distincte et qu’à la rupture du contrat, tous les clients démarchés par elle avaient rejoint la société (franchiseur)”. La Cour de cassation approuve cependant la cour d’appel d’avoir écarté cette demande de requalification, “ayant relevé que la société (master-franchisée) a été chargée, en qualité de commerçant indépendant, d’acheter les produits fabriqués par la société (franchiseur) et de les revendre en son nom propre, pour son compte et à ses risques”. Où l’on retrouve la caractéristique de la “clientèle propre attachée au réseau de franchise que (la société master-franchisée) avait créée, de sorte qu’elle ne s’était pas comportée en mandataire agissant pour le compte d’un mandant”.
CASS. COM, 1ER OCTOBRE 2013, N° 12-23337
Après l’arrêt de la Cour de cassation du 4 octobre 2011 (pourvoi n° 10-20956) qui avait fait couler beaucoup d’encre en invoquant “l’erreur sur la rentabilité” comme cause possible d’annulation d’un contrat de franchise, voilà que la notion ressurgit au travers de cet arrêt. Mais, cette fois, la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir rejeté les demandes dirigées contre le franchiseur, rappel étant fait que “l’animateur d’un réseau (…) n’est pas tenu d’une obligation de résultat dans les prévisions de chiffres d’affaires de son partenaire” et, qu’en l’espèce, “les difficultés de trésorerie s’expliquaient par une inondation en 2004, la forte saisonnalité de l’activité et des conditions climatiques défavorables de l’hiver 2006”. Les franchiseurs ne sont donc pas (pas encore ?...) responsables du temps qu’il fait !