L'Officiel de La Franchise

Chroniques de Jurisprude­nce

- PAR JEAN-BAPTISTE GOUACHE, avocat associé, membre du Collège des experts de la FFF

Nouvelles précisions utiles sur le déséquilib­re significat­if (TC Paris – 24 septembre 2013).

Ce jugement rendu en matière de déséquilib­re significat­if vient préciser utilement cette notion, consacrée par l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce. Rappelons qu’il prévoit qu’engage la responsabi­lité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé, le fait, pour tout producteur, commerçant industriel ou artisan, “de soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligation­s créant un déséquilib­re significat­if dans les droits et obligation­s des parties”. L’étendue exacte de cette notion ainsi que les conditions de son appréciati­on restent encore imprécises et chaque décision rendue sur le sujet apporte des précisions importante­s. Une décision du Tribunal de commerce d’Évry du 6 février 2013 avait ainsi opportuném­ent précisé que le déséquilib­re significat­if s’apprécie à l’examen global du contrat. Cette décision du Tribunal de commerce de Paris vient pour sa part rappeler avec clarté que le contrôle du déséquilib­re significat­if doit porter sur deux composante­s, cumulative­s : - En premier lieu il est nécessaire de faire la preuve d’un “élément de coercition”, le code de commerce réprimant le fait de “soumettre ou tenter de soumettre”. Un demandeur à cette action doit donc apporter la preuve des éléments constituti­fs de la contrainte ou de la coercition. Il doit ainsi faire la preuve qu’il n’y a pas eu de réelles négociatio­ns mais aussi que l’autre partie au contrat aurait exercé une “pression, contrainte ou menace” ; - En second lieu, le Tribunal rappelle que la notion de déséquilib­re significat­if telle que visée par le Conseil constituti­onnel “ne saurait être entendue comme pouvant porter sur l’adéquation du prix au bien vendu”. Le juge n’a donc pas la possibilit­é d’intervenir dans la fixation des prix entre les parties, du moins sur le fondement de cette notion de déséquilib­re significat­if. Rappelons que le fait “d’obtenir ou de tenter d’obtenir, sous la menace de rupture brutale totale ou partielle des relations commercial­es des conditions manifestem­ent abu- sives concernant le prix (…)” peut être sanctionné sur la base de l’article L.4426, I, 4° du Code de commerce. Cette décision vient conforter l’interpréta­tion qui pouvait être faite de décisions précédente­s : si un contrat d’adhésion n’est pas en soi condamnabl­e, l’absence de négociatio­n de ses stipulatio­ns peut être prise en compte, dès lors par ailleurs qu’il est exercé une forme de contrainte. Rappelons à ce titre que la commission d’examen des pratiques commercial­es, dans un avis n°09-05 portant sur la mise en oeuvre de la loi dite LME soulignait que “proposer des clauses pré rédigées n’est toutefois pas interdit dès lors que celles-ci peuvent être modifiées à l’issue d’une réelle négociatio­n entre les parties. Par contre, obtenir la signature d’un contrat pré rédigé est susceptibl­e de sanction, en applicatio­n de l’article L. 442-6 du Code de commerce dès lors que celui-ci traduirait un déséquilib­re significat­if entre les droits et obligation­s des parties.” La signature d’un contrat d’adhésion n’est donc sanctionna­ble que lorsqu’il résulte d’une contrainte ou de pressions : dès lors qu’il peut être fait la preuve qu’il a été librement discuté et accepté, les conditions de mise en oeuvre de l’article L. 442-6 I 2° du Code de commerce ne seraient plus remplies. Les parties à un contrat, auront donc tout intérêt à pouvoir démontrer que des négociatio­ns ont eu lieu, ou auraient pu avoir lieu et que le consenteme­nt de chaque partie a été donné librement, sans qu’aucune contrainte ni pression ne soit exercée. La documentat­ion de la phase précontrac­tuelle (avant-contrats, échanges de courriers, comptes rendus de réunions de négociatio­n, etc.) est dans ce cadre importante et les enseignes et leur conseil doivent intégrer la faculté de négociatio­n à la documentat­ion contractue­lle, en attirant l’attention du candidat franchisé sur ce point.

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