Mauvaise ambiance dans le réseau
Les franchisés ont beau être indépendants, leur réussite dépendra aussi de la force du réseau auquel ils appartiennent. Une mauvaise entente aura pour conséquence de les isoler, voire de rendre le fonctionnement collectif stérile. Pour désamorcer les débu
UN réseau constitue une équipe qui gagne, rappelle Emmanuel Jury, directeur associé du cabinet Progressium Développement. Or, s’il n’y a pas d’équipe, il peut difficilement y arriver!” D’où la nécessité d’une bonne entente entre franchisés. “S’il y a des conflits, l’énergie se concentre sur les luttes intestines au lieu d’être orientée vers le client final. Cela peut déstabiliser le réseau, et aboutir même à la prise de pouvoir d’un groupe de franchisés contre
un autre.” Les origines de ces conflits sont de plusieurs natures. Il peut s’agir de problèmes de fond, portant par exemple sur les zones d’exclusivité sur la question de la concurrence entre franchisés. Le réseau Guy Hoquet, par exemple, a pu se confronter à cette problématique. “Aujourd’hui, il y
a moins de conflits qu’auparavant, mais les premières raisons de tension étaient liées au respect des secteurs, explique Frédéric Paris, président de l’Association des franchisés Guy Hoquet, implanté à
Montauban. La loi européenne interdit de donner une exclusivité d’exploitation, seulement d’implantation. Par exemple, si un franchisé X situé à Moissac connaît madame Y à Castelsarrasin, il peut lui vendre un bien. Mais pour éviter tout conflit, il faut qu’il en parle en amont au franchisé Z qui se trouve dans cette même ville ! Le travail de notre association consiste justement à favoriser la communication pour prévenir les discordes.” L’association a mis en place une procédure : un courrier doit être envoyé par le plaignant pour expliquer le litige. Les parties prenantes
Les tensions se créent par appât du gain plus que par méchanceté.”
sont ensuite réunies pour dialoguer et réfléchir au problème. “Les tensions se créent par appât du gain plus que par méchanceté. Tout le monde est mis à contribution pour faire des efforts. En revanche, si un confrère est de mauvaise fois, cela se saura et il sera mis à l’écart.” Enfin, Frédéric Paris souligne que souvent les conflits sont désamorcés par un simple rappel des règles de convivialité et de bon voisinage. Il peut être bénéfique aussi de mettre en place des commissions régulières qui permettent une mise
à plat des petites tensions. “Le problème, c’est que souvent les franchisés manquent de temps et de disponibilités. Or, le fait de se réunir sans la tête de réseau installe un climat de confiance. Des franchisés peuvent être rassurés sur des points qu’ils n’oseront pas évoquer face au franchiseur. Le recours à ce dernier ne se produit qu’en cas de conflit majeur.”
Écoute et communication
Emmanuel Jury ne partage pas tout à fait cet avis. Selon lui, les associations de franchisés peuvent
en effet favoriser la communication mais uniquement si elles sont constructives et ont pour objectif de tirer vers le haut les franchisés les moins à l’aise. Le but ne doit pas être de les liguer contre le franchiseur. Ce dernier doit au contraire servir d’arbitre entre les membres du réseau. “Les tensions qui émergent résultent souvent d’un manque d’animation de la
part du franchiseur, précise-t-il. Il doit écouter les besoins de ses franchisés car ils sont au contact direct du client final. Il doit analyser leurs demandes en prenant du recul et, en fonction de son secteur d’activité, trouver des solutions pour favoriser la communication
grâce à des animations.” Si un franchisé est particulièrement performant par rapport aux autres, alors la tête d’enseigne devra peutêtre le traiter de manière spécifique pour qu’il sente une certaine reconnaissance mais aussi pour qu’il continue de trouver son intérêt dans le réseau. Il n’a de toute façon rien à gagner à travailler en loup solitaire. Comme il a décidé d’entrer dans un réseau, il a des droits et des devoirs, mais c'est aussi sur le franchiseur que repose leur mise en pratique. “Même s’il s’agit d’indépendants, tout est une question de management, ajoute
Emmanuel Jury. Pour fonctionner, l’enseigne s’appuie sur des règles techniques, la tête de réseau doit les faire respecter.” Le franchiseur lui-même ne doit d’ailleurs pas se contenter de l’animation descendante. Il doit contribuer aussi à la bonne entente des franchisés les uns avec les autres. “Pour ce faire, nous articulons nos réunions de réseau de deux façons, précise Éric Schneider, directeur développement franchise et international du Groupe Or. Le matin est consacré à de l’information venant d’en haut sur les évolutions du marché, les nouveautés, etc. En revanche, des ateliers de cas pratiques sont organisés l’après-midi en vue de favoriser les échanges entre franchisés. Plus nous montrons l’exemple et plus les bonnes pratiques seront reproduites.” Si un membre juge que le franchiseur n’est pas assez impliqué dans la vie d’un réseau, il se doit de l’interpeller. “Mais il ne suffit pas de dire : le service informatique ne fonctionne pas, par exemple, poursuit Emma
nuel Jury. Il faut évoquer un problème spécifique pour que le franchiseur puisse trouver une réponse. Souvent, il suffit juste de rappeler les procédures !” De façon générale, la plupart des frictions résultent plus d’un problème de communication que d’une question de fond. Des propos peuvent être mal interprétés,
La mission du franchiseur consiste à créer une émulation entre franchisés sans qu’il y ait concurrence.”
déformés, mal rapportés. Il peut aussi y avoir des tensions entre franchisés qui réussissent bien et d’autres qui s’en sortent moins. “Ces entrepreneurs peuvent alors remettre en cause la méthode, alors qu’elle fonctionne très bien pour d’autres, souligne Éric Schnei
der. C’est encore le rôle du franchiseur de faire un arbitrage et de servir d’intermédiaire. Il doit comprendre pourquoi cela ne marche pas pour eux. Sa mission consiste à créer une émulation sans qu’il y ait concurrence. Il ne faut pas pointer du doigt ceux qui peinent, mais au contraire créer l’échange pour favoriser les bonnes pratiques.”