Quelle liberté pour commercialiser des produits locaux ?
Votre point de vente rencontre du succès, votre enseigne vous soutient. Tout va pour le mieux mais vous constatez le renouveau d’un produit typique de votre région… Comment l’intégrer dans vos rayons sans trahir le concept de votre tête de réseau ?
FRANCHISÉ du Pays Basque, puis-je remplacer l'épice de ma salade andalouse par du piment d’Espelette ? Puis-je vendre en tant que chocolatier des Bouches-duRhône des calissons d’Aix ? En Provence, dois-je enrichir ma gamme de cosmétiques de parfums à base de lavande ? Au premier abord, ces questions peuvent surprendre. Mais l’introduction de produits locaux est une problématique courante dans des régions à l’identité culturelle très marquée. Et cela doit être anticipé, si possible, dès la rédaction du contrat de franchise. “Ce contrat jette les bases de la relation entre une enseigne et ses points de vente : c’est essentiel, notamment dans le cas d’un débutant dans un réseau. Le moindre flou peut poser problème car le franchisé n’a pas à interpréter le concept. Tout doit être clair sinon l’identité de marque peut être mise en danger. Mais dans le même temps, il serait dommage de passer à côté d’un marché potentiel”, constate Rémi de Balmann, avocat associé gérant du cabinet D,M & D et coordinateur du collège des experts de la Fédération Française de la Franchise. “Répondre aux attentes des consommateurs permet de les fidéliser. Par exemple, en Bretagne, un point de vente tourné vers la petite restauration a tout “Si l’on veut pérenniser la vente de produits locaux, une modification du contrat est nécessaire”
intérêt à proposer du Breizh Cola”, analyse Virginie Sablé, responsable développement franchise et réseaux chez KPMG.
Du produit local au succès national
Si votre contrat n’a pas anticipé la vente de spécialités locales, il faudra d’abord convaincre votre tête de réseau. “Menez votre étude de marché en vous renseignant par exemple auprès de la CCI de votre localité. Cette enquête validera ou non l’intérêt commercial de votre démarche. Il est possible aussi que votre franchise y ait songé en amont, sans vous en parler. Donc prenez le pouls auprès de votre animateur régional”, conseille Caroline Morizot, gérante de CM Entreprise Conseil, spécialisée en stratégie et développement de réseau. Par ailleurs, la vente de spécialités locales au sein d’un point de vente peut servir de test grandeur nature en vue d’une commercialisation nationale. N’hésitez pas à le rappeler en douceur à votre enseigne et à faire contractualiser les conditions de votre accord. “Certains produits régionaux reviennent à la mode à intervalles réguliers, comme la marinière dans le secteur du textile made in France. Ces modes sont cycliques ! En cas de succès, la tête de réseau peut tenter l’expérience dans le département, la région, puis le pays tout en limitant les risques d’échec. www.officieldelafranchise.fr
Un avenant permet aux deux parties de définir les termes de cet essai, notamment
s’il ne dure qu’un an”, remarque Rémi de Balmann. Si les négociations tardent à se conclure, attendez patiemment cet avenant car le respect du contrat reste le principe fondateur du développement en franchise.
Introduire de la nouveauté sans trahir le concept
Si cette première vente de produits locaux a rencontré un succès, reste à l’officialiser
juridiquement sur la durée. “Si l’on souhaite pérenniser la vente de produits locaux tout en la cadrant, une modification du contrat est nécessaire. Pour limiter l’introduction des spécialités régionales dans la gamme, les deux parties peuvent se mettre d’accord sur un pourcentage maximum du chiffre d’affaires, mais aussi sur le volume d’achat des approvisionnements”, poursuit Rémi de Balmann. De cette manière, si un franchisé obtient le droit d’acheter 10 % de ses produits locaux, sa tête de réseau peut tout à fait lui demander de ne pas dépasser les
10 % du volume d’achat. Dernière étape : transformer l’essai en magasin. “Sur les présentoirs, le produit ne doit pas être envahissant. Votre enseigne doit valider à la fois le type de fourniture, sa qualité, son image
de marque mais aussi les marges”, rappelle Virginie Sablé. Trouver le bon grossiste, s’assurer de la qualité des fournitures, négocier les prix, veiller à l’identité visuelle des étals… Pour mener à bien ces missions, un animateur régional ou un autre référent peut
être amené à vous guider. “Derrière cette veille, on peut y voir du contrôle mais aussi du conseil concernant l’aménagement du magasin. Certains franchisés s’éloignent trop du concept de base. J’ai déjà vu une épicerie fine premium vendre du cassoulet ! Or, si des clients viennent souvent dans votre magasin, c’est aussi pour retrouver l’ambiance et les gammes qu’ils apprécient”, rappelle Rémi de Balmann. Bref, priorité au bon sens et au juste milieu.