Le cas épineux de la requalification du contrat de franchise
C'est la hantise de tout franchiseur et une situation difficile à vivre pur le franchise. Voir ses contrats de franchise requalifiés en contrats de va travail et de gérant de succurasale. Pourtant, la ligne rouge peut rapidement être franchie, notamment pour les têtes de réseaux beaucoup trop impliquées dans les affaires de leurs partenaires.
Si on parle souvent de requalification du contrat de franchise en contrat de travail, ce scénario est loin d’être le plus courant, selon Anne-Cécile Benoit, avocat associée au sein du cabinet BMGB avocats. “Deux cas de figure se présentent fréquemment, explique-t-elle. La requalification du contrat de franchise en contrat de travail, d’un côté mais dans lequel le lien de subordination est difficile à établir. De l’autre la requalification en statut de gérant de succursale, beaucoup plus courante, qui permet l’application de la majorité des règles du droit du travail”. En effet, selon l’article L 7321-2 du code du Travail, le statut de gérant de succursale n’implique pas la démonstration d’un lien de subordination mais d’autres conditions sont à remplir. Il faut notamment vendre des marchandises ou services qui doivent être fournis exclusivement ou quasi-exclusivement par le franchiseur. Le tout, dans un local fourni ou agréé par le franchiseur à des conditions et prix indiqués par ce dernier. “Sur ces quatre conditions, une peut poser problème. Celle de l’exclusivité, analyse Anne-Cécile Benoit. Cela donne lieu à de nombreuses discussions.” L’essentiel est de montrer que l’on exerce sa profession à des conditions fixées par le franchiseur. Le contrat va servir de base à la démonstration pour prouver qu’il existe des indications précises sur la présentation des produits commercialisés, sur la politique professionnelle et publicitaire.
Courtes prescriptions
Il est également important de noter que dans le domaine des requalifications, les prescriptions sont assez courtes. Dans le cas où votre indépendance de franchisé est mise à mal et si vous souhaitez obtenir une requalification, après la rupture du contrat, il est possible d’attaquer dans les deux années pour obtenir une requalification en contrat de travail ou en gérant de succursale. Pour le rappel des salaires, il est possible de remonter sur trois années, maximum. “Selon une jurisprudence récente, le franchiseur ne peut pas opposer de compensation entre les sommes qu’a perçues le franchisé dans le cadre de son activité commerciale et les salaires dus”, précise Anne-Cécile Benoit. Par exemple, si le franchisé a pu avoir des dividendes issus de son exploitation, ces sommes ne peuvent pas être déduites des salaires que le franchiseur doit à son partenaire. À noter qu’une société d’exploitation n’empêche pas la requalification du contrat, elle ne fait pas écran. “La jurisprudence a bougé sur la question”, note Anne-Cécile Benoit. Aujourd’hui, il est juste nécessaire de prouver que le gérant exploite lui-même l’activité et cela se démontre par l’intuitu personae. Une clause qui désigne le fait que le contrat est signé “en considération de la personne”, c’est-à-dire que la personnalité du franchiseur et du franchisé détermine la validité du contrat. La requalification du contrat de franchise en
gérant de succursale tire un trait sur votre expérience de franchisé. Pour compenser cette situation, elle permet de bénéficier du statut de salarié de la même manière qu’une requalification en contrat de travail. Il est possible de réclamer des rappels de salaires ainsi qu’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Tous les droits qui émanent du statut de salarié sont applicables. “Il reste néanmoins une discussion autour du bénéfice de la Convention collective, explique Anne-Cécile Benoit. Là aussi, il faut démontrer un lien de subordination.” Autre point important. Une partie de la jurisprudence montre que les personnes physiques qui se sont portées caution de leur société d’exploitation vont rester responsables en tant que caution même s’il y a requalification du contrat en contrat de travail et gérant de succursale. Cela constituerait une sanction pécuniaire et un salarié ne peut pas être sanctionné dans ce sens. “C’est un principe essentiel du droit du travail”, explique Anne-Cécile Benoit. Or, les franchisés sont nombreux à se porter caution auprès du franchiseur pour garantir le paiement des marchandises. Là-dessus, ce n’est pas encore clair. Autre point de détail sur les conséquences de la requalification du contrat de franchise, en contrat de travail ou de gérant de succursale, il est possible de réclamer un rappel non seulement des salaires, mais aussi des heures supplémentaires. Des heures qu’il va falloir prouver car, souvent, il n’y a pas de pointeuse. “On peut même récupérer des congés payés”, assure Anne-Cécile Benoit. “Nous sommes amenés à plaider régulièrement sur ces thématiques, confirme Anne-Cécile Benoit. En franchise, au-delà de toute la jurisprudence Yves Rocher, les enseignes de prêt-à-porter sont particulièrement concernées.”
“Tous les droits qui émanent du statut de salarié sont applicables”