Vos droits
Franchise participative, mon franchisé devient actionnaire minoritaire
pallier une insuffisance de fonds propres”, explique Sandrine Richard, avocate chez Simon Associés. “Mais pour que la franchise participative fonctionne, elle doit respecter deux conditions : l’indépendance du franchisé doit être garantie et respectée, et le franchiseur, en tant qu’associé minoritaire, doit respecter l’intérêt social de la société franchisée, qui peut être différent du sien”, ajoute-t-elle.
Une participation qui peut tout bloquer ?
Si toutes les conditions ne sont pas remplies, la franchise participative peut poser problème, comme c’est le cas actuellement avec Carrefour. Dans le cadre d’un contentieux opposant un franchisé de l’enseigne Carrefour City (Stéphane Robert et la société Lacadis) à sa tête de réseau (Carrefour Proximité), le tribunal de commerce de Lyon a demandé le 4 juillet dernier à l’Autorité de la Concurrence (ADLC) d’examiner plusieurs pratiques pouvant être anticoncurrentielles. “Ce qui est reproché au groupe, c’est d’avoir introduit dans les statuts de la société franchisée, des clauses qui empêchent de sortir du réseau et de changer d’enseigne”, explique Olga Zakharova-Renaud, avocate chez BMGB et Associés, qui défend le franchisé dans cette affaire. À travers sa filiale Selima, Carrefour Proximité a pris 26 % du capital social de Lacadis et a rédigé lui-même les statuts de la société de son franchisé. “Il a déterminé son objet social de la manière suivante : l’exploitation exclusive d’un supermarché alimentaire, sous l’enseigne Carrefour”, indique Olga Zakharova-Renaud. Lorsque le contrat de franchise arrive à son terme de 7 ans, il est du reste impossible de changer d’enseigne sans l’autorisation de l’associé minoritaire. “La loi dit que toute modification statutaire doit être adoptée par l’assemblée générale extraordinaire des associés, à la majorité des 3/4. Or, le franchisé ne détient que 74 %”, note l’avocate. Le montage contractuel de la franchise chez Carrefour France dans son ensemble, qui est le même à chaque fois, pourrait être remis en cause par un avis défavorable de l’Autorité de la Concurrence, qui pourrait faire jurisprudence. Mais cet avis ne devrait pas être rendu avant un an minimum. Un autre litige, fortement similaire, est déjà en attente d’une réponse de l’ADLC depuis l’été 2018. Jugé par la cour d’appel de Paris, il oppose un commerçant indépendant à Intermarché, et porte sur une durée abusive du contrat de franchise (15 ans), ainsi que sur différentes exclusivités. Mais attention à ne pas faire de raccourcis trop hâtifs : la franchise participative n’a pas, à l’origine, pour but de tout bloquer. “Le cas Carrefour, c’est une possibilité, un risque, mais il faut retenir que ce n’est pas systématique. Toutes les enseignes qui mettent en place un processus de franchise participative ne prévoient pas un objet statutaire bloquant”, prévient Sandrine Richard.
Attention aux statuts
À quoi doivent faire attention les candidats potentiels à la franchise participative ?
“Pour que ce système ait des vertus, il ne faut pas qu’il ait pour objet ou effet d’empêcher la personne physique dirigeante de la société franchisée, de pouvoir sortir du réseau à l’issue du contrat de franchise d’origine. D’où la nécessité, dès le début, de bien cibler l’objectif de la participation de la tête de réseau, de faire attention à la rédaction des statuts, ainsi qu’aux points sur lesquels une minorité de blocage pourrait être exercée par l’associé minoritaire”, indique la juriste. Olga Zakharova-Renaud conseille d’avoir recours à un pacte d’associés avec le franchiseur, c’est-à-dire une convention établie parallèlement aux statuts de la société, portant sur le rachat des parts réciproques. “Elle devrait stipuler que le franchiseur, associé minoritaire, s’engage à vendre sa participation minoritaire à un prix défini, avec une méthode de calcul déterminée, à la fin du contrat de franchise”, explique-t-elle. Attention, donc, à prévoir les conditions de sortie de chacun. Quitte à faire appel à un juriste, avant de signer tout contrat. “Malgré l’excitation et l’empressement de commencer à exploiter son magasin, même si dans l’immédiat tout se passe bien, mieux vaut anticiper en amont tout problème potentiel”, estime Olga Zakharova-Renaud.