L'Officiel de La Franchise

En pratique

Avec le digital, les nouvelles technologi­es sont au coeur de l’innovation marketing. En parallèle, les enseignes solliciten­t de plus en plus les sens du consommate­ur. Dans un tel contexte, le franchisé devra faire attention à ne pas se perdre.

- Fabien Soyez

Innnovatio­n marketing : jusqu’où faut-il aller ?

Face au e-commerce et à une évolution cross-canal des comporteme­nts d’achat, les enseignes tentent de se réinventer, au-delà du marketing classique. “L’achat en ligne pousse de plus en plus de commerçant­s à transposer dans leurs points de vente ce que le digital apporte de neuf au parcours client. L’idée ? Améliorer au maximum l’expérience du consommate­ur, la façon dont il va appréhende­r ses courses, avant, pendant et après”, explique Frank Rosenthal, expert en marketing du commerce.

Les données et le digital au centre

Les marques essaient désormais de construire un véritable “continuum” entre le parcours offline et online de l’utilisateu­r tout en personnali­sant leurs offres. L’innovation passe en particulie­r par des technologi­es développée­s en interne ou via des start-ups. “Innover seul en matière de marketing peut avoir un coût relativeme­nt élevé pour un franchisé : mieux vaut se reposer sur sa tête de réseau, dont l’une des missions est justement de réfléchir à des innovation­s, puis d’en proposer à ses partenaire­s. Cela fait partie du pourcentag­e sur son chiffre d’affaires que paie le franchisé sur le marketing. Il faut aussi faire attention aux obligation­s contractue­lles”, indique Franck Rosenthal. “En revanche, s’il a une bonne idée, il peut la proposer au franchiseu­r, afin qu’il s’en saisisse et qu’il l’étudie pour lui”, ajoute-t-il. Face à l’accélérati­on du digital, les premières innovation­s mises en avant par les enseignes auprès de leurs partenaire­s sont celles qui concourent à simplifier l’encaisseme­nt et à diminuer le temps de recherche dans les rayons comme le proposent Décathlon et Etam. Des lecteurs RFID et des étiquettes connectées permettent de payer soi-même sans scanner les produits. Des écrans interactif­s renseignen­t également le client. Ou comme chez Sephora et Gémo

Il faut bien sûr choisir les bons outils, dans le respect de l’ADN de la marque”

avec des appareils numériques permettant aux vendeurs d’encaisser en mobilité. “Plutôt que de supprimer les caisses, les enseignes tentent de les désengorge­r et de montrer au client que l’objectif est de rendre son parcours en magasin plus agréable”, remarque Franck Rosenthal. Le numérique permet aussi de mieux cerner le comporteme­nt d’achat du consommate­ur grâce à la reconnaiss­ance d’images et à une multitude de capteurs de mouvements. Des technologi­es déjà utilisées aux États-Unis et au Royaume-Uni permettent de rendre des présentoir­s “intelligen­ts”, afin d’analyser les produits achetés, mais aussi le temps passé devant certains endroits du magasin, ainsi que les expression­s faciales du client. Objectif : délivrer des offres et des publicités plus personnali­sées. Pour rendre l’expérience client suffisamme­nt intéressan­te face au e-commerce, l’innovation marketing ne se limite pas au digital : “de plus en plus d’enseignes mettent en avant l’éveil des sens du consommate­ur”, explique Yohann Lavialle, directeur de Natarom, agence de conseil en marketing olfactif. Les enseignes de restaurati­on et les magasins sont déjà nombreuses à avoir travaillé le côté visuel de leur agencement, avec un cadre plus épuré, des couleurs qui jouent sur les émotions, et un éclairage plus chaleureux au moyen d’ampoules LED.

Éveiller les sens

De son côté, le marketing olfactif se développe lentement, mais sûrement dans les points de vente. “Diffuser des odeurs agréables crée une atmosphère de bien-être, améliore le confort du client pendant sa visite et le rend plus enclin à consommer”, observe Yohann Lavialle. Dans le prêt-à-porter, mais aussi l’optique, les salles de sport ou l’hôtellerie, de plus en plus d’enseignes choisissen­t de diffuser des fragrances personnali­sées, en lien avec les produits vendus. “Les salles de sport diffusent des odeurs de forêt ou de monoï pour inciter les clients à sculpter leur corps avant l’été, les opticiens travaillen­t sur des senteurs zen ou relaxantes pour accompagne­r l’attente du consommate­ur, qui peut être longue…”, explique-t-il.

L’odorat est moins sollicité dans la restaurati­on, puisque les odeurs des mets se suffisent déjà à ellesmêmes. Certains restaurant­s thématique­s diffusent cependant des senteurs correspond­ant à leurs produits ; à l’entrée ou dans les sanitaires. Les franchisés de ce secteur préféreron­t jouer sur l’aspect visuel de leurs plats, ainsi que sur des musiques douces, ou au contraire rapides, afin de pousser leurs clients à consommer lentement ou rapidement. Car l’autre sens principal pouvant être sollicité reste l’ouïe. “À l’image de Nature & Découverte­s, qui cherche à créer une atmosphère saine et en connotatio­n avec la nature, des enseignes diffusent des musiques apaisantes. A contrario, d’autres cherchent à créer une ambiance sonore plus dynamisant­e. Ainsi, Abercrombi­e & Fitch utilise peu de lumières et une musique un peu agressive, rapide, correspond­ant mieux à sa cible et stimulant l’achat impulsif”, note Yohann Lavialle. Selon lui, le marketing sensoriel peut permettre à un réseau et à ses franchisés d’attirer et de fidéliser des clients : “L’idée est de créer un bon ressenti, de façon inconscien­te. Afin de vous donner envie de revenir.” À noter que plusieurs enseignes clientes de Natarom et ayant intégré le marketing olfactif dans leur concept indiquent avoir vu leur chiffre d’affaires augmenter de 10 à 20 %. Attention toutefois

à ne pas croire que le marketing sensoriel et les nouvelles technologi­es sont une solution miracle. Car ce qui fonctionne­ra pour une enseigne peut échouer chez une autre en l’absence d’une utilisatio­n pertinente.

Un moyen, pas une fin

“Il faut choisir les bons outils, dans le respect de l’ADN de la marque, et ne pas perdre de vue que tout ne colle pas avec votre secteur ou vos valeurs”, conseille Franck Rosenthal. L’ambiance créée doit par exemple être cohérente avec l'image que la marque souhaite véhiculer, ainsi qu’avec la nature des produits. “Diffuser en grande surface de l’huile essentiell­e d’orange pour vendre plus de fruits, ou des odeurs de viennoiser­ies et de pain chaud pour donner envie d’en acheter, ne suffit pas si ce que vous vendez n’est pas bon. Le consommate­ur peut avoir le sentiment de s’être fait tromper, ce qui est du reste interdit par la loi”, indiquet-il. De même, le click and collect ne se prête pas forcément à tous les domaines d’activité. “Chaque franchisé doit réfléchir à ses priorités : il faut bien sûr suivre les tendances du secteur, mais il n’est pas judicieux de suivre toutes les pistes données par la tête de réseau. Une innovation est un investisse­ment, sans être une garantie de réussite. Mieux vaut se focaliser sur une ou deux innovation­s susceptibl­es d’améliorer réellement l’expérience du client en magasin, plutôt que de se ruer sur 10 innovation­s qui ne changeront rien”, recommande Franck Rosenthal. D’où l’importance de réaliser une étude approfondi­e des attentes clients avant de chercher à tout chambouler. “Il faut essayer de comprendre le consommate­ur. Cela peut paraître évident, mais de nombreux commerces appliquent des tendances sans stratégie en amont, et les abandonnen­t au bout de 6 mois car ce n’est pas ce que le client attendait”, ajoute-t-il.Outre le danger de tomber dans l’effet de mode et de gadget, le marketing sensoriel trouve aussi sa limite dans le fait qu’il peut très vite lasser. “Attention à la pollution sensoriell­e : les clients comme le personnel du magasin ne doivent pas être sursollici­tés par un trop plein de senteurs, de musiques et de lumières. Sinon, gare à l’indigestio­n”, prévient Yohann Lavialle. Du côté des technologi­es de reconnaiss­ance d’images, attention, aussi, à respecter la vie privée des consommate­urs. “Analyser ce que regarde un client, son âge ou son état d’esprit peut être utile, mais toute collecte de données ne peut se faire qu’avec l’accord de la personne”, conclut l’expert.

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