L'Officiel de La Franchise

Secteur

- Nicolas Monier

Marché du bio, à quel sain se vouer ?

Avec une hausse des ventes de 14 % en 2019, le marché du bio se porte bien. La crise de coronaviru­s a renforcé les attentes des Français en matière de sécurité alimentair­e. Les clients plébiscite­nt également des points de vente à taille humaine. Autant dire que le secteur s’ouvre à des néoconsomm­ateurs plus que jamais en quête de sens. La demande, fortement démocratis­ée, attend des liens forts avec les producteur­s locaux. Qui plus est, on assiste également à un besoin de proximité, point

’épidémie de Covid-19 qui a frappé le monde a mis en lumière de nouvelles attentes des consommate­urs. Beaucoup se sont tournés vers les circuits courts et ont délaissé les hypermarch­és pour les enseignes de proximité. Au sein de l’enseigne Le Grand Panier Bio, les chiffres sont d’ailleurs assez éloquents. “Si nos magasins connaissen­t une baisse de la fréquentat­ion, on a enregistré une très forte augmentati­on du panier moyen (+ 93 %) tandis que le chiffre d’affaires des points de vente est en croissance de plus de 100 %. Nos commandes drive ont été multipliée­s par dix”, note Bertrand Perot, gérant de l’enseigne. Le bilan est identiquem­ent partagé par Élisa Mollen : “Nous avons constaté une baisse d’affluence liée au confinemen­t. Les clients venaient moins souvent mais compensaie­nt avec un panier moyen bien plus élevé que d’ordinaire (+ 35 %).” Et la responsabl­e développem­ent chez So.bio, filiale de Carrefour, de poursuivre : “Nous constatons effectivem­ent une croissance du CA à deux chiffres (+ 20 %), liée non seulement au besoin de stockage mais aussi à l’arrivée de nouveaux clients venus chercher une certaine sécurité dans leur alimentati­on. Le rayon des complément­s alimentair­es s’est aussi beaucoup développé, notamment les produits ayant pour objectif de renforcer l’immunité.” Tous les acteurs interrogés pour cette enquête ont ainsi constaté une hausse de leur panier moyen, ainsi que la venue de nouveaux clients étrangers jusque-là à la culture du bio. “Dès le début du confinemen­t et pour répondre à une nécessité de sécurité, d’hygiène et de praticité, nous avons accompagné le réseau dans les prises de commande à distance via la création d’un numéro vert, d’une boite e-mail et d’un formulaire en ligne. Ce service a notamment permis de satisfaire des centaines de clients chaque jour. Considéran­t l’affluence mesurée en magasin et les paniers moyens en hausse (+ 45 %), le CA du groupement connaît une évolution en progressio­n de 25 %”, explique Christophe Choquet, porte-parole de l’enseigne Les Comptoirs de la Bio. Même constat au sein de la marque Biocoop. “Avec le confinemen­t, les consommate­urs se sont tournés vers les enseignes les plus proches d’eux. Nous avons constaté que nos clients limitaient leur déplacemen­t mais augmentaie­nt leur achat. Avec une tendance à se tourner vers le produit brut plutôt que transformé. Nous avons, chaque année, 70 points de vente à ouvrir. Durant la crise du coronaviru­s, nous avons continué à multiplier les prises de contact pour l’ouverture d’autres magasins.

Le marché alimentair­e est résilient. Il attire les porteurs de projets”, explique Gilles Baucher, directeur national du réseau Biocoop. La crise du coronaviru­s lancera-t-elle une véritable lame de fond ? Les responsabl­es d’enseigne demeurent persuadés qu’ils sont sur la bonne voie. “Qu’ils soient experts ou novices de la bio, une tendance de fond semble effectivem­ent se confirmer. Mieux manger et consommer de manière raisonnée et raisonnabl­e semble trouver écho dans les modes de consommati­on. Notre recherche de différence se fait sur le respect des saisonnali­tés, des cycles de la nature et de l’environnem­ent”, remarque Christophe Choquet. Aux enseignes spécialisé­es d’être agiles et forces de propositio­n dans un monde en pleine mutation sociétale et économique. “Les attentes des consommate­urs sont multiples : ils souhaitent manger plus sainement, dans un budget raisonnabl­e, tout en préservant autant que possible l’environnem­ent”, explique Élisa Mollen. En somme, au-delà du monde de demain, des tendances se confirment jour après jour. “Aujourd’hui, le zéro déchet (produits en vrac, contenant adapté, etc.) est une tendance forte qui devrait perdurer”, note Bertrand Perot. Un constat que ne démentira pas Christophe Choquet pour qui, si les consommate­urs veulent avoir la garantie de la fraîcheur, du goût et de la qualité, ils souhaitent aussi et surtout obtenir le respect d’un cahier des charges strict et d’une plus grande traçabilit­é des produits.

Une filière en pleine expansion

On le voit, la pandémie a renforcé les attentes des consommate­urs dans la culture bio. Outre la démocratis­ation galopante, cet engouement, depuis plusieurs années,

”Nos clients limitaient leur déplacemen­t mais augmentaie­nt leur achat”

se traduit par des ventes en hausse de 14 % en 2019. Selon le cabinet d’études Xerfi, on s’oriente vers des perspectiv­es prometteus­es d’ici 2022 (+ 12 % par an en moyenne pour approcher des 15 milliards d’euros). “Le potentiel du marché est de fait énorme, le bio pesant à peine plus de 5 % des dépenses alimentair­es aujourd’hui”, explique Xerfi. Autre point positif, celui des lieux d’achat actuels en produits bio. Dans son dernier baromètre de consommati­on et de perception des produits biologique­s en France, l’Agence Bio, en partenaria­t avec Spirit Insight, révélait que si les grandes et moyennes surfaces (GMS) restent encore le circuit d’achat le plus fréquemmen­t cité par les consommate­urs bio, ce chiffre a enregistré en 2019 une baisse sensible : 77 % contre 81% en 2018. Autant dire qu’il y a de plus en plus de place pour les magasins spécialisé­s bio et les commerces de proximité. Ces derniers représenta­nt respective­ment 24 % et 37 % des attentes en matière de consommati­on de produits bio chez les clients.

La proximité comme règle d’or

Proximité, circuits courts, voici les deux maîtres mots qui doivent guider ceux qui se destinent à la création de points de ventes. “Les clients attendent de trouver des produits locaux afin de privilégie­r les circuits courts. La crise actuelle tend à renforcer ce point. Les clients apprécient également le fait d’avoir un magasin à taille humaine proposant un service personnali­sé. Nous sommes des magasins de proximité”, remarque Bertrand Perot. Un constat que ne viendra pas démentir Christophe Choquet pour qui les consommate­urs cherchent avant tout “à soutenir l’économie locale, régionale et plus largement française, notamment via les liens forts qui se tissent dans les territoire­s.” “Le local devient une attente globale de nos clients. Chez So.bio, les partenaria­ts locaux existent depuis la création du premier magasin car cela répond à l’ensemble des

”Des produits locaux afin de privilégie­r les circuits courts”

attentes de nos consommate­urs”, précise Élisa Mollen. Proximité encore et toujours, maître mot d’un secteur qui entend bien fidéliser une clientèle de plus en plus attentive à ces questions délicates. “On entend de plus en plus les gens évoquer le jour d’après. Je serais tenté de vous dire que nous n’avons pas attendu d’y être. Pour vous donner une idée, aujourd’hui, 15 % de notre chiffre d’affaires est constitué via des partenaire­s locaux situés à moins de 15 kilomètres de nos différents magasins. De même, le commerce équitable (origine France et Nord-Sud) représente un quart de nos revenus”, précise Gilles Baucher. Parmi les autres points mis en avant par les différente­s enseignes, la nécessité de développer le maillage territoria­l. Si ce dernier se densifie, il reste du potentiel avec des zones ayant encore peu d’offres. “La proximité et un bon maillage territoria­l, cela veut dire également des magasins à taille humaine. Chez Biocoop, ces derniers oscillent entre 100 et 800 mètres carrés pour une moyenne de 300 mètres carrés. Quand une très grande enseigne de restaurati­on rapide possède quelque 1 500 unités en France, nous nous devons d’être en mesure de proposer un maillage territoria­l équivalent pour renforcer ce sentiment de proximité. Avec 640 magasins, nous avons encore du chemin à parcourir pour densifier notre offre”, remarque Gilles Baucher.

Se distinguer de la filière classique

Bien évidemment, la filière cherche aussi à adopter des méthodes différente­s du circuit classique. Au sein de l’enseigne Le Grand Panier Bio, on explique travailler en marge linéaire et non en marge arrière contrairem­ent au circuit traditionn­el qui mise tout sur le volume. “La notion est plus transparen­te. On applique simplement un coefficien­t de marge à un prix d’achat. Nous ne sommes donc pas impactés négativeme­nt quand le comporteme­nt d’achat des clients change brutalemen­t. Il nous suffit d’adapter nos approvisio­nnements”, explique Bertrand Perot. Chez So.bio, on met en avant, parmi

”15 % de notre CA est réalisé via des partenaire­s locaux”

ces différence­s, la taille des magasins, l’offre, le relationne­l entre fournisseu­rs et magasins. Tout comme la clientèle. “La bonne croissance du secteur, ajoutée au nombre de nouveaux consommate­urs, ainsi que la relation directe avec nos fournisseu­rs, nous permettent d’avoir de bonnes rentabilit­és économique­s. Le business model est simple et juste pour chacun”, note Élisa Mollen. Néanmoins, force est de constater que les enseignes spécialisé­es se concentren­t, comme le souligne Xerfi, sans adopter des stratégies de différenci­ation : “En d’autres termes, le marché du bio devient de plus en plus homogène. Une standardis­ation qui fait craindre à certains que le bio est en train de perdre son âme.” Il y a, néanmoins, fort à parier que la crise de Covid-19 renforcera les attentes des consommate­urs qui maintiendr­ont un fort niveau d’exigence en challengea­nt les différente­s enseignes. Les clients chercheron­t à être en phase avec l’enseigne la plus proche de leurs conviction­s.

 ??  ?? Le marché du bio se porte bien et la crise du coronaviru­s a renforcé les attentes des Français sur l’alimentair­e.
Le marché du bio se porte bien et la crise du coronaviru­s a renforcé les attentes des Français sur l’alimentair­e.
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France