Une filiere en quete d'un nouveau souffle
Si tous les restaurants de France ont désormais l’autorisation de rouvrir, force est de constater que dans les faits la reprise s’avère plus compliquée que prévu. Encore trop d’inégalités demeurent entre les régions, les villes et même les quartiers. Cartographie de cette France qui a remis le couvert. n attendait une reprise en fanfare. La réalité est finalement plus complexe. Pour l’expert Bernard Boutboul, cette reprise s’avère assez inquiétante. “Beaucoup d’irrégularités demeurent entre les villes et même les quartiers. Les zones touristiques ou marquées par les emplois tertiaires sont à la peine dans les grandes villes. Qui plus est, on se rend compte que les fast-foods souffrent autant que les restaurants gastronomiques”, explique le fondateur du cabinet Gira. Et ce dernier d’ajouter : “À Paris, première ville touristique mondiale, la situation est compliquée. D’après nos derniers chiffres, encore 15 % des restaurants parisiens n’ont toujours pas rouvert. Sur ces 15 %, 15 % le sont pour cause de travaux, 30 % pour cause de chômage partiel, préférant rester sous perfusion étatique, 30 % restent fermés car, à ce jour, aucun chiffre d’affaires n’est envisageable. Ces établissements étant implantés dans une zone touristique ou tertiaire. Les 15 % restant sont fermés définitivement.” Un avis partagé par Siben N'ser, le fondateur de Planet Sushi. Même si l’enseigne enregistre à Paris une hausse de son activité de + 10 % par rapport à la même période, l’année dernière, le dirigeant évoque l’avenir avec inquiétude. “J’ai le sentiment, que durant l’été, nos restaurants franchisés dans le Sud tireront leur épingle du jeu. Mais à Paris, nous allons sans doute souffrir car les touristes ne sont toujours pas là. Quant à la rentrée, cela me fait peur, mais nous nous y préparons.”
AGILITÉ ET INNOVATION
On l’aura compris, il faudra plus de temps que prévu pour amorcer une vraie reprise. Certaines enseignes essaient de se rassurer via le développement de leurs autres canaux de distribution : livraison, click and collect, drive. “Le ticket moyen est pour l’instant artificiellement élevé, du fait de la prépondérance de certains canaux de vente (livraison / click and collect) qui donnent lieu à rassembler plusieurs menus sur un ticket”, explique l’enseigne Subway. Des constats partagés par l’ensemble des enseignes interrogées pour l’occasion. “La vente à emporter a regagné assez rapidement son niveau normal. En ce qui concerne la livraison, sachant que nous sommes liés à une saisonnalité de notre activité, les chiffres baissent avec le beau temps”, explique Bruno Bourrigault, le dirigeant de l’enseigne Speed Burger. La nécessité de multiplier les canaux de vente s’est imposée naturellement au sein de la plupart des enseignes. Ainsi, une étude menée par LaFourchette, filiale de Tripadvisor, montrait qu’avant l’épidémie, seuls 18 % des restaurateurs interrogés proposaient le service à emporter, 30 % l’ont exploré pendant la pandémie et 61 % d’entre eux souhaitaient continuer à développer cette offre. Au sein de l’enseigne Memphis, même si la livraison et le click and collect ont représenté seulement 5 % du CA du groupe en juin, la hausse, a périmètre constant, a bondi de plus de 92 %. Bien évidemment, la chaîne spécialisée en cuisine américaine va évangéliser sa formule de click and collect
à l’ensemble de son réseau au courant du mois de juillet prochain.
LIMITER LA CASSE
Par ailleurs la réouverture de la restauration en salle a eu pour conséquence de créer un jeu de chaises musicales. Comme cela a été
le cas pour la franchise Speed Burger :“De notre côté, le CA a baissé suite à la réouverture des restaurants qui, pendant la crise, étaient pour la plupart fermés. Le service en salle a mis un peu de temps à faire revenir une clientèle septique par rapport aux préconisations des gestes barrières”, précise Bruno Bourrigault. Les enseignes accusent le coup mais certaines s’attendaient, semblerait-il, à bien pire. “Concernant les chiffres, à date, sur le mois de juin, les ventes sont en recul de 8,9 % en valeur (par rapport au mois de juin 2019). Un résultat plutôt satisfaisant, étant donné les circonstances. Pour précision, 5 % du réseau est encore fermé à date (restaurants situés dans des zones particulières type centres commerciaux ou parc d’attraction)”, indique l’enseigne Subway. Signe que le confinement n’a pas bloqué toute activité, la marque spécialisée dans les sandwichs et salades, n’a pas enregistré de fermetures de restaurants. Depuis le début du confinement, le 17 mars dernier, sept “remodelings” (installation du nouveau décor inspiré du modèle américain Fresh Forward) ont eu lieu ainsi qu’une ouverture avec drive à Carvin (Hauts-de-France). En fonction de leur positionnement et de leur implantation, certaines enseignes ont limité la casse. C’est le cas, pour le moment, de la chaîne Memphis. Durant la semaine du lundi 2 juin, l’enseigne a pu rouvrir 80 % de son parc de restaurants. “À périmètre constant, notre CA sur juin a encaissé une baisse d’un peu moins de 13 %. Je dois vous avouer que nous pensions que notre situation serait plus dramatique. Mais notre concept familial et ludique nous a permis de bien travailler sur les soirées et les week-end”, explique Delphine Tusseau, directrice marketing et communication chez Memphis. Et cette dernière d’ajouter : “Si, durant ce même mois de juin, notre taux de fréquentation a diminué de 21 %, il a été compensé par une hausse significative du ticket moyen. Les gens ont souhaité se faire plaisir et ont dépensé plus. Si nous bénéficions, en général, des vacances scolaires, nous n’espérons pas un retour à la normale avant la fin de l’année. Cet été, notre pays connaîtra un tourisme franco-français. Point positif, les réservations sur les côtes atlantiques et méditerranéennes sont, pour le moment, très encourageantes. “Mes contacts dans l’hôtellerie sur ces régions me disent que leur clientèle est inhabituelle, française mais qu’ils atteignent des niveaux de réservation frôlant les 100 %. Il n’y a aucune raison que la restauration ne profite pas, par ruissellement, de ces bons chiffres”, conclut Bernard Boutboul. Croisons les doigts.