ILS FONT JOUER L’EXPÉRIENCE
Les détaillants qui passent moins de 300 pneus à l’année s’exposent à une bagarre sans merci entre eux, les accessoiristes et les marchands dématérialisés. Ils s’en sortent parfois par le jeu des première, seconde et troisième lignes de pneus. Pour les re
Parce qu’il représente 200 points de vente, le groupe Dafy a acquis une position de grand diffuseur de pneus. Au menu : Michelin, Dunlop, Bridgestone, Pirelli et Metzeler, auxquels s’ajoute Mitas, marque active dans « l’enduro »,
précise Didier Bodereau, responsable des achats du groupe. Avec plus de dix ouvertures par an, l’enseigne augmente mécaniquement ses volumes de pneus vendus à l’année. Mais ce ne serait pas la seule raison. « Nous avons progressé de 5 % de 2018 à 2019, entre autres grâce à des prises de parts de marché apportées par les commandes passées en ligne, qui donnent lieu à des rendez-vous en atelier. »
Volontairement imprécis, il indique que l’enseigne vend « beaucoup plus de 200 000 pneus par an » et que « 58 000 sont stockés dans le réseau en 2020 ». Les catégories les plus vendues ? « Le sport-touring, l’hypersport et le trail ». Quant aux marques proposées, elles correspondent « aux plus cotées » et présentent toutes « des produits technologiquement aboutis ». La répartition des marques de pneus dans les magasins dépend tout d’abord de leur statut : « Les établissements qui ne sont pas succursales ne proposent pas forcément les cinq marques, de même que certains magasins peuvent proposer du Continental. » En outre, « la sensibilité des vendeurs à telle ou telle marque pèse dans les résultats des manufacturiers chez nous, de même que la marque de première monte peut influencer le consommateur qui en est satisfait. »
Jouer entre les lignes La course aux prix les plus bas a-t-elle cours dans le réseau ? « Il est certain que les magasins de moto, en général, s’observent les uns les autres. Ils ont légitimement envie d’augmenter leurs volumes en proposant des prix attractifs.
Cela étant, lorsque c’est possible, ils jouent sur les gammes, privilégient le produit de première ligne lorsqu’ils le peuvent, mais peuvent aussi assurer la vente avec des produits de deuxième, voire de troisième ligne, en fonction du client et de son véhicule. N’oublions pas qu’il peut y avoir un écart de prix de 20 % entre un pneu haut de gamme récent et son équivalent de trois, quatre ou cinq ans d’âge de conception. » Toutefois, même un professionnel aussi bon vendeur que gestionnaire aura généralement « du mal à faire une bonne marge sur le pneu. » À cela s’ajoute le fait que parmi les consommateurs, « il y a ceux qui lisent des comparatifs, se révèlent affûtés », tandis que d’autres « préfèrent se laisser guider par leur réparateur. » Quoi qu’il en soit, le pneu est un produit qui « a besoin d’être animé ». Les promotions nationales, à l’initiative des manufacturiers, y contribuent de temps en temps. Parfois, elles sont le fait d’un accord entre l’enseigne et les fabricants. Enfin, celles qui ne doivent rien aux manufacturiers, plus rares, « cherchent surtout à déstocker à travers une courte période de soldes. »
ce que le client veut…
Chez Prestige Deux-roues, à Marseille (trois magasins, dont deux pour les marques du groupe Piaggio et une concession Triumph), le pneu donne lieu à « une gestion draconienne »,
affirme le patron, Alain Bolley. En cause : « Des acteurs qui vendent deux fois moins cher que les prix conseillés : nous ne pouvons pas rivaliser. »
Au point qu’il puisse arriver, dans certains cas, qu’il achète chez Allo Pneus, grâce à quoi il gagnera « plus d’argent que si je commande chez Piaggio, dont les objectifs ne sont pas tenables. » En fin de compte, il cherche plus souvent à « trouver les pneus que demandent les clients, aux meilleurs prix » qu’à persévérer dans son rôle de conseil, et ce bien qu’il vende « 2 000 VN par an ». Avec moins d’une cinquantaine de pneus en stock par magasin, il préfère « passer cinq commandes par semaine ». Quant aux scooteristes, « ils chassent le prix bas. Pour 10 € d’écart, ils partent ailleurs. » Alors, sans espoir, le commerce du pneu ? « Je refuse de monter du pneu acheté sur internet. Mais il arrive que nous ne fassions pas payer la MO pour un pneu, dès lors qu’il s’agit de l’un de nos clients. C’est de la fidélisation. »
Laurent Habsiger, patron d’energie Moto, concessions Kawasaki et Suzuki dans le Loiret, cherche lui aussi à stocker le moins possible.
« Ça évite de devoir brader un jour ou l’autre. »
Client de Pirelli, selon lui « la marque au bon rapport qualité/prix », il commande d’autres marques chez France Équipement dont « les tarifs sont placés et qui livre en 24 H en franco. »
Moyennant quoi, « nous arrivons à pratiquer des prix convenables sur du Dunlop, Bridgestone et Michelin. » La région où il officie « ne souffre pas trop d’une guerre des prix », ne serait-ce que parce que « moins de la moitié de nos clients cherche des tarifs et qu’on éduque le plus possible le consommateur ». Laurent défend même sa profession face à un Allo Pneus :
« J’ai cessé de monter du pneu acheté en ligne. J’explique au client qui m’en parle que, d’abord, nous sommes là toute l’année pour répondre à ses questions, ensuite que l’on est capable de lui proposer une vérification gratuite de sa moto, sans rendez-vous. Ça s’appelle du service ; et ça ne vaut pas la peine de se battre pour 10 €. » En général, les ventes de Michelin et Bridgestone sont déclenchées « à la demande des clients, lesquels paraissent de plus en plus mariés à une marque. » Quant à l’influence de la première monte sur le choix ultérieur, Laurent prévient que « les constructeurs doivent faire attention à ce qu’ils font. J’ai déjà vu des motards déçus par la marque de première monte, au point qu’ils ne veulent plus en entendre parler, même si on leur explique que le pneu d’origine n’est pas toujours le meilleur de la gamme… »
les pros essayent de privilégier la vente des pneus haut de gamme.
Fausses économies
Tony Bérard dirige Moto 16, établissement multimarque en Charente. Chez lui, Michelin et Bridgestone dominent l’offre parce qu’ils font l’objet d’une « grosse demande dans la région. »
Mais comme il tente de leur expliquer que « la marque ne fait pas tout », il bataille pour sensibiliser ses clients à l’adaptation d’un pneu à un véhicule et à un usage. « Sur une moto GT lourde, il faut du pneu à carcasse renforcée. Le prix, on en parle après… Et je ne suis pas sûr que les accessoiristes s’encombrent de ce genre de considérations. En tout cas, nombre de motards font de mauvaises économies. Beaucoup de clients sont habitués à payer leur pneu 130 €, et pas 240 €, quand bien même leur sécurité et leur confort sont en jeu. Quand en plus il faut se contenter de 10 € de marge… »
Certains paradoxes ont la vie dure.