FORT EN BARRES
En trois décennies, Neken est devenu l’un des spécialistes mondiaux du guidon et des tés de fourche dans la moto. L’expertise de cette entreprise angevine est telle que des constructeurs premium choisissent ses produits en première monte. Une belle réussi
Quoi de mieux pour aborder sa 30e année d’activité que d'ajouter un bâtiment pour accompagner sereinement une croissance qui ne l’a jamais quittée ? En inaugurant en 2019 une nouvelle aile à ses locaux de Murs‑erigné, la société Neken a franchi une étape supplémentaire dans son histoire. Une unité toute neuve où sont produits des tés de fourche et des pontets débités par des machines‑outils dernier cri en majorité japonaises. Une petite proportion se destine à l’aftermarket, l’essentiel étant consacré à la première monte pour des marques européennes premium au premier rang desquelles le groupe autrichien Pierer Mobility, le plus gros client de la maison qui compte KTM, Husqvarna et Gas Gas dans ses rangs, mais aussi pour l’anglais Triumph, l’italien Ducati, le français Sherco ou l’espagnol TRS. À ce bâtiment viendra même s’ajouter un agrandissement afin « de regrouper toutes les unités d’usinage et permettre d’avoir des bureaux plus grands » explique Benoit Beaumont, actionnaire et associé de Philippe Bochereau, le fondateur de la marque Neken, mais aussi de Delta Usinage, l’entité de fabrication des pièces, et de NK3D, l’unité de forge créée il y a une dizaine d’années. « On grandit progressivement et méthodiquement. Aujourd’hui, on fait 10 millions de chiffre d’affaires mais on est conscient qu’on ne peut pas passer à 50 millions en deux ans, nous n’avons pas assez de capacités financières pour cela » assure Philippe Bochereau, un pur autodidacte, qui n’imaginait pas quand il cintrait ses premiers tubes d’aluminium pour en faire des guidons
il y a 34 ans, arriver à un tel niveau industriel dans ce domaine, accompagné par près de 70 employés. L’idée du guidon alu lui est venue lorsqu’il roulait en motocross. Pas plus rapide que les autres mais plus souvent à terre, le jeune Bochereau consomme alors du guidon à la pelle à l’époque où le modèle en alliage d’aluminium inventé par la marque anglaise Renthal en est à ses débuts. Lorsqu’il se lance dans la vie professionnelle armé d’un BEP d’électromécanicien, le technicien de 19 ans entrevoit lui aussi le formidable marché qu’un guidon de cross solide pourrait générer. Personne ne fait ça en France, il sera donc le premier. « Les guidons étaient en vulgaire acier qui pliait tout de suite. J’étais persuadé que le guidon en alliage d’aluminium allait se démocratiser. J’ai décidé de me lancer dans sa fabrication. Je faisais ça le soir et le week-end dans le garage de mes parents. J’achetais du tube, je le coupais, je le cintrais, je le polissais puis je vendais mes guidons à JMP Products, un gros distributeur de l’époque. J’ai fait ça un an et demi. »
Neken, symbole de perfection Assez vite, Philippe voit son activité se développer au point de devoir s’y consacrer à plein temps. En mars 1990, il crée sa société, Neken, un nom grec qui symbolise la perfection et sonne bien dans toutes les langues. Tandis que son petit business de sous‑traitance se développe en même temps que ses connaissances métallurgiques, une autre évolution majeure se prépare : le guidon à diamètre variable. Philippe Bochereau saute dans ce train qui démarre, mais il ne s’agit plus alors de cintrer du tube : « Il a fallu apprendre à travailler la matière, à se perfectionner dans les traitements thermiques puis on a dû créer une machine-outil pour cônifier du tube d’alliage d’aluminium en l’étirant… » Presque un nouveau métier. Mais sans le percevoir, l’entreprise se forge
1 Guidons, mousses de guidon, poignées, tés de fourche, leviers, moyeux, l'offre Neken est vaste.
2 Fondateur de l'entreprise, Philippe Bochereau reste vigilant sur l'activité et se concentre à 100 % sur la moto.
3 Après les guidons, Neken s'est engouffrée dans la fabrication des tés de fourche pour la première monte mais aussi en aftermarket pour le particulier.
4 Nouveauté au catalogue Neken, le levier en alliage d'aluminium taillé dans la masse, gage de solidité !
5 La nouvelle unité d'usinage permet de débiter des tés de fourche et pontets à haute fréquence.
6 Le montage des roulements sur les moyeux de roue est une opération manuelle assurée par un opérateur.
7 La production de guidons reste l'activité la plus importante pour Neken qui en sort 170 000 à l'année.
8 Le nouveau bâtiment a été construit il y a un an.
9 C'est à Murs-erigné depuis près de 30 ans que sont installés les locaux de Neken, Delta Usinage et NK3D.
un savoir‑faire qui fera son succès actuel car peu d’autres spécialistes du guidon vont franchir ce pas. Sa production s’étoffe avec ce nouveau modèle, proposé par de nombreuses marques. Neken s’installe durablement dans la cour des grands du guidon moto. Si Philippe Bochereau développe parallèlement son activité d’usinage en proposant des tés de fourche ou des pontets, le guidon reste l’activité qui va lui permettre de convaincre les grands producteurs. Car conquérir le marché de la première monte devient impératif au tournant des années 2000 : « Les marques se sont mises à monter d’origine des guidons de qualité. Fatalement, le marché de l’adaptable a chuté ». Pour continuer à prospérer, il faut donc séduire les constructeurs. Outre les françaises Sherco et Scorpa, KTM est la première grande marque à confier ses guidons à Neken puis ses tés de fourche. Une carte de visite qui booste la notoriété de l’entreprise. Suivront BMW, Triumph et Beta, entre autres… « Collaborer avec des grandes marques ouvrent des portes. Ce n’est pas si compliqué de travailler avec elles quand tu as un bon produit, de bons délais et une bonne image… » Reste que la performance est réelle car les entreprises françaises qui produisent sur le territoire pour le 2‑roues motorisé se comptent sur les doigts des deux mains et celles qui peuvent se targuer de fournir de grands constructeurs en première monte se limitent à… Neken, sachant que Michelin ne produit plus ses pneus moto en France.
Parfois en trois-huit ! Dans l’année de son trentième anniversaire, l’entreprise angevine s’active toujours plus : environ 170 000 guidons par an, le double de pontets, quelque 45 000 jeux de tés de fourche et environ 60 000 axes de colonne de direction sortent de ses ateliers. Pas de sous‑traitance pour le forgeage et l’usinage, tout est produit sur place. Lors des périodes chaudes, la demande des constructeurs et des vendeurs d’accessoires est telle que ça bosse en trois‑huit. Que ce soit chez Neken, l’entité guidon, ou chez Delta Usinage pour les autres pièces, ça débite du produit 100 % en alliage d’aluminium de première qualité expédié partout dans le monde. Pour autant, l’ambition maison reste mesurée. « Ici, on est dimensionné pour la moto. On ne cherche pas à travailler dans d’autres secteurs. On l’a fait, comme dans le vélo par exemple, et on en est revenu. Nous sommes des passionnés de moto et cela nous permet de bien sentir le marché. On connaît les dynamiques des marques et nos collaborations avec elles ont des côtés magiques, comme découvrir les nouvelles motos deux ans avant tout le monde. » Associé depuis 2005 à Benoit Beaumont, ancien pilote de side‑car cross de haut niveau, Philippe imagine pourtant des solutions pour développer la société. Cela passe par l’innovation à l’image des deux créations maison dévoilées ces trois dernières années : les tés de fourche SFS à amortisseur de choc intégré ou le guidon SFH à extrémités affinées pour accueillir des poignées caoutchouc plus épaisses donc plus confortables. Mais le nouveau challenge pour Neken sera de s’imposer dans le domaine du moyeu en alliage d’aluminium taillé dans la masse dont elle a commencé la production, d’abord pour la première monte de KTM et Husqvarna, avant de les proposer sous son nom pour les particuliers. « Avec le moyeu usiné, on reste dans notre domaine de compétence, le travail de l’aluminium, c’est une bonne extension tout comme les leviers de freins et d’embrayage taillés dans la masse que nous venons aussi de lancer » précise Philippe Bochereau. De quoi faire encore progresser Neken d’un cran dans cette course en avant entamée avec succès au siècle dernier.
10 Chaque produit est contrôlé, la qualité est l'indice absolue du succès de l'entreprise.
11 Le moyeu de roue est l'un des nouveaux débouchés dans lequel Neken a décidé d'investir, pour la première monte et le particulier.
12 La forge maison permet de sortir des tés de fourche bruts ce qui réduit ensuite le temps d'usinage et la perte de matière.
13 Autre diversification récente de Neken, l'usinage de biellettes pour les suspensions arrière.
14 Chaque produit Neken est méticuleusement emballé avant l'expédition chez le client.
15 Chaque futur produit est imaginé et développé en interne sous la houlette de Franck Lamy, responsable du bureau recherche et développement de la maison angevine.
16 Dans ce bureau studieux sont assurées les parties gestion client et l'activité commerciale de Neken et Delta Usinage.
17 Dans quelques minutes, ces barres d'alliage d'aluminium haut de gamme passeront dans une machine bruyante qui les transformera en guidons de moto à diamètre variable.
18 Beaucoup de créativité chez Neken dont les cerveaux ont imaginé ces tés de fourche SFS avec amortisseur de choc intégré, une exclusivité sur le marché pour l'entreprise de Murs-erigné.
19 Benoit Beaumont est l'associé de Philippe Bochereau au sein de la société Neken. Il est arrivé en 2005 et assure la fonction de de responsable pour tout ce qui touche le commercial.
20 Cette machine permet de débiter des barres d'aluminium en petits morceaux , des pontets de guidon en l'occurrence...
21 Après avoir pris leur forme définitive, les guidons passent au polissage pour être les plus propres possible avant l'anodisation qui est assurée par un prestataire extérieur.