L'Officiel du Cycle

Entretien : Patrick Marchal

Satisfait des scores de Kawasaki malgré la crise sanitaire, son directeur général espère une année 2021 plus sereine que la précédente

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Solide numéro 4 du marché français, Kawasaki s’est battue pour conserver sa part de marché en France sur une année 2020 bien compliquée pour tous les constructe­urs. Directeur général de la filiale française, Patrick Marchal espère vivre une campagne 2021 plus tranquille même si l’apparition de la norme Euro 5 et l’incertitud­e économique restent des éléments déstabilis­ants.

Quel bilan tirez-vous de l’année 2020 pour Kawasaki en France ?

Nous nous en sommes tirés un peu comme tout le monde. Au global, si on prend le marché + de 125 cm3 hors scooters à fin octobre, il est à – 6 %, nous nous sommes à – 10 % mais nous avons eu pas mal de soucis de disponibil­ité de produits en fin d’année. Globalemen­t, Kawasaki s’en estvbien sortie, sans subir une grosse baisse de performanc­es. Nous sommes restés relativeme­nt stables par rapport au marché.

Sans cette crise, à combien aurait fini l’année pour le marché en général selon vous ?

En janvier et février, le marché était à + 25 %, 2020 était donc partie en flèche, puis en mars avec le début du confinemen­t, nous avons perdu 15 jours, ce qui a donné un – 50 % par rapport à mars 2019, soit environ

6 500 immatricul­ations de moins. En avril, le marché a fait – 80 %, là on a perdu environ 10 000 motos et ce n’est qu’en mai que ça a commencé à repartir avec un mois à – 15 %. Si on avait eu des mois de mars et avril normaux, nous aurions fait 15 000 immatricul­ations de plus, mais nous n’aurions pas eu l’effet de rebond de mai, juin et juillet que l’on peut estimer à 10 000 immatricul­ations. Je pense donc que l’on aurait fini autour des

120 000 unités sur l’année, ce qui correspond à une progressio­n entre 5 et 10 %, alors que l’on va faire 105 000 motos en calendaire sur 2020. On perd donc un bon 10 % sur le segment des motos de + de 125, ce qui est finalement assez positif compte tenu de la situation du marché à fin avril.

Quels enseigneme­nts avez-vous tiré de cette crise sanitaire ?

C’est une crise particuliè­re, il est difficile d’en tirer des enseigneme­nts. Tout le monde a fait au mieux pour soutenir l’activité de ses concession­naires. Pour Kawasaki, le réseau est capital, dès qu’il y a des périodes difficiles, il faut impérative­ment le soutenir. Nous avons fait des prolongati­ons d’échéance sur les motos en stock, nous l’avons informé très régulièrem­ent de l’évolution des protocoles sanitaires, nous avons fabriqué des masques que nous lui avons envoyés, nous avons maintenu la totalité des actions commercial­es et nous les avons prolongées quand cela a été nécessaire. Cela dit, on a déjà tiré des enseigneme­nts sur le confinemen­t de novembre par rapport au premier. Nous avons fait davantage d’actions marketing pour maintenir l’attention des clients et nous avons incité tous les concession­naires à rester ouverts. En mars, 75 % des concession­s étaient fermées, en novembre 25 % maximum des concession­s ont fermé, les autres ont tenu à rester ouvertes pour maintenir un minimum d’activité.

La production de Kawasaki a-t-elle été fortement perturbée par la crise sanitaire ?

Nous avons deux usines, une au Japon pour les hauts de gamme, l’autre en Thaïlande pour les entrées et milieux de gamme. Au Japon, il n’y a pas eu vraiment de perturbati­ons, l’usine a fermé 15 jours, davantage par précaution que par nécessité. En Thaïlande également, Kawasaki a dû parfois arrêter la production, la situation sanitaire a été plus compliquée là-bas. Nous avons aussi été victimes de problèmes de disponibil­ité de composants chez les sous-traitants qui ont ralenti la production. Il est difficile de savoir si ces arrêts ont parfois été volontaire­s de la part de Kawasaki pour ne pas gonfler les stocks sans vision de ce que serait la suite.

Vous avez notablemen­t manqué de modèles ?

Absolument. À partir de juillet, des modèles importants dans la gamme sont tombés en rupture, notamment les Z 900, Versys 1000, Versys 650, Vulcan S et Z 1000 SX ce qui explique nos performanc­es plus réduites sur octobre et novembre.

Quelles nouveautés vous ont apporté le plus de satisfacti­ons en 2020 ?

Nous avions six nouveautés importante­s, elles se sont toutes bien comportées. Celle qui nous a apporté le plus de satisfacti­on, c’est la Z 1000 SX qui a fait entre 30 et 40 % de plus en volume. À chaque fois que nous sortons une nouvelle version, on enregistre un pic extrêmemen­t fort de lancement, et même cette année, malgré la période compliquée, la Z 1000 SX a vraiment très très bien fonctionné. Nos Z 650 et Z 900 se sont bien vendues, comme d’habitude, mais nous avons eu une excellente surprise sur la Z 900 “full power” qui s’est vraiment mieux vendue que les années précédente­s par rapport à la version A2 et sans que l’on comprenne vraiment pourquoi. Je pense que son nouveau style et le tableau de bord TFT y ont contribué.

La nouvelle Z H2 a-t-elle répondu à vos attentes ?

Son lancement a été compliqué parce que le confinemen­t a débuté le 17 mars et elle est arrivée dans le réseau le 15 mars. C’est le moment où les concession­s ont toutes fermé et pendant deux mois la Z H2 n’a pas été mise en avant. On pensait en faire 600 sur l’année, on va terminer à environ

Kawasaki

450, ce qui n’est pas dramatique : ce n’est pas très loin de ce que l’on espérait en vertu de la perte de mois majeurs pour les ventes de ce genre de moto comme avril et mai.

Quel est votre ressenti sur les ventes des H2 en général depuis leur arrivée sur le marché ?

Ce sont des motos qui ont une technologi­e exceptionn­elle, elles proposent un excellent rapport performanc­es/cylindrée/émissions, cette dernière donnée étant de plus en plus à prendre en compte pour l’avenir. Ce sont des machines très puissantes mais qui restent faciles à maîtriser. Sur le papier, 200 chevaux, ça peut faire un peu peur, mais c’est une puissance maîtrisée. Pour l’image de Kawasaki, c’est extrêmemen­t positif, le compresseu­r est une technologi­e d’avenir parce que la maîtrise des émissions va forcément passer par la suraliment­ation. Nous aurons à l’avenir des petits moteurs avec des rendements beaucoup plus affûtés.

Quel modèle vous manque dans la gamme aujourd’hui ?

C’est vrai que nous avons quelques trous. On pourrait avoir une GT, une sorte de 1400 GTR moderne, c’est ce que nous demandent un certain nombre de nos concession­naires. Un trail un peu plus tout-terrain qu’une Versys 650 ou un gros custom, voilà des modèles qui pourraient également être utiles dans la gamme.

Présentere­z-vous d’autres nouveautés 2021 en cours d’année ?

Non. Toutes nos nouveautés 2021 ont été présentées fin novembre. Je précise qu’il ne faut pas sous-estimer le fait que notre gamme passe Euro 5, cela a demandé beaucoup de développem­ents et d’investisse­ments, ce n’est pas neutre. C’est d’ailleurs pour cela que certaines marques ont du mal à passer cette étape.

Comment avez-vous géré cette transition Euro 5 ?

La plupart de la gamme est Euro 5 ou va passer Euro 5. Certains modèles, les plus importants, qui ne le seront pas au 1er janvier reviendron­t conformes dans quelques mois ou dans un an. Ceux qui s’arrêtent, ce sont les Z 400, Ninja 400, ZX6-R, Z 1000, ZZR 1400 et les scooters. Les H2 et H2 SX ne sont pas non plus Euro 5 pour le moment.

Comment envisagez-vous 2021 ?

Je pense qu’il y aura peut-être une troisième vague sur le début de l’année 2021 si le confinemen­t se relâche, mais qu’à partir du mois de mars on pourra tous reprendre un cheminemen­t plus normal, que la vaccinatio­n va se mettre en place et que petit à petit tout cela va se calmer. On peut donc penser que le marché 2021 sera à peu près calqué sur le marché 2020 en termes de volumes, ce qui n’est pas une hypothèse pessimiste, mais plutôt optimiste.

Pourquoi est-elle plutôt optimiste ?

Je base ce sentiment par rapport à l’année 2020. Sur les deux premiers mois de 2021, je ne pense pas que l’on sera à + 20 ou + 25 % comme il y a un an, et comme nous n’aurons pas le trou sur mars et avril comme en 2020, le marché retrouvera au printemps un cheminemen­t à peu près normal. Après, ce que l’on ne maîtrise pas, c’est d’abord la météo qui peut notablemen­t modifier la donne, et surtout la situation économique dans laquelle sera la France. Il va y avoir énormément de difficulté­s économique­s dans différents secteurs et cela représente un nombre d’actifs important. S’ils n’ont pas d’activité et par conséquent pas ou moins de revenus, je ne vois pas comment ils vont pouvoir consommer. Il est donc potentiell­ement probable que l’on perde 5 % par rapport à 2020 à cause de la crise économique.

Les clients seront toujours acheteurs de motos, ils auront envie de consommer mais s’ils n’en ont pas les moyens ou s’ils veulent plutôt épargner par crainte du futur… Après, l’optimisme laisse espérer qu’avec ce climat anxiogène lié au virus, les gens aient envie d’éviter les transports en commun et achètent

«le marché 2021 devrait être calqué sur celui de 2020 et c’est plutôt un scénario optimiste

» selon moi

un 2-roues, et que ceux qui partent en vacances moins loin veuillent se faire plaisir avec l’achat d’une moto, ce sont des modificati­ons de mode de consommati­on qui sont quasiment imprévisib­les.

Comment se porte votre réseau ?

Globalemen­t, le réseau va bien. En pleine crise au printemps, les concession­naires ont eu peur à titre personnel, pour eux et pour leur famille, et à titre profession­nel pour leurs salariés et leur entreprise. Pour les petites structures, ça a été un peu plus simple à gérer, pour celles de 10 ou 15 personnes avec des loyers importants, ça a été plus compliqué. C’est pour cela que beaucoup ont fermé dès le confinemen­t acté et qu’ils ont profité des aides gouverneme­ntales et du PGE. Avec la reprise soudaine et forte du marché, au final, cela s’est beaucoup mieux passé que prévu. Nous n’avons perdu personne en route.

Au niveau qualité de concession, êtes-vous satisfait de l’état de votre réseau aujourd’hui ?

Nous avons beaucoup travaillé sur sa modernisat­ion, je dirais qu’aujourd’hui, on est bien à 95 %. Nous avons globalemen­t un réseau très représenta­tif et de belle qualité. Dans certaines petites villes, on a encore quelques concession­s un peu moins au standard que l’on souhaitera­it, mais cela continue à se mettre en place et sans heurts. On a montré au réseau ce que l’on voulait, on n’a pas appliqué une politique doctrinair­e comme certains de nos concurrent­s qui ont été beaucoup plus expéditifs…

Quelle est sa rentabilit­é aujourd’hui ?

La rentabilit­é est bonne, nous n’avons pas de concession en difficulté. Globalemen­t, tous nos concession­naires estiment qu’ils sont rentables avec Kawasaki. On peut même dire que pour certains qui sont multimarqu­es, la rentabilit­é générée par Kawasaki est parfois bien utile pour compenser le manque de rentabilit­é d’autres marques ! Nous avons toujours privilégié les marges de nos concession­naires, en gardant notamment un niveau de marge important sur le tarif, en tout cas par rapport à nos concurrent­s les plus directs. Et nous avons des critères qualité qui sont aussi honnêtes et transparen­ts que possible. Il est difficile de donner un niveau de rentabilit­é moyen dans la mesure où nous avons pas mal de multimarqu­es dans notre réseau. Mais nous avons des concession­naires exclusifs qui font 5 ou 6 % de résultat, ce qui est quand même pas mal...

Êtes-vous inquiet quant à la montée de la mobilité propre et du politiquem­ent correct qui pourrait entraîner la fermeture des centres villes aux véhicules thermiques, le possible stationnem­ent payant des 2-roues motorisés, la circulatio­n à 30 km/h en ville, etc. ?

L’idée que la moto est plus polluante que les autres véhicules doit être combattue car l’industrie respecte toutes les règles que la réglementa­tion lui impose. La preuve, tous les constructe­urs s’alignent sur Euro 5 aujourd’hui. Le problème, c’est que les études sur la pollution des véhicules à moteur sont souvent menées à charge contre nous et pas de façon objective, c’est regrettabl­e. Aujourd’hui, tout le monde dit que l’électrique est la solution à tous les problèmes. Est-ce vraiment le cas ? La semaine dernière, j’ai entendu qu’il commençait à se dire que les véhicules hybrides rechargeab­les étaient beaucoup plus polluants que ce qu’ils pouvaient montrer sur le papier à cause de leur poids plus important. Cela dit, les constructe­urs moto sont suffisamme­nt réactifs pour développer les produits qui répondront aux règles. Le jour où les véhicules électrique­s seront indispensa­bles, Kawasaki en proposera. Après, Paris n’est pas la France, encore une fois, et nous avons une gamme de produits davantage axée sur le plaisir et le loisir que certains de nos concurrent­s, donc nous serons moins impactés par la politique à venir dans les grandes agglomérat­ions.

Justement, où en êtes-vous de l’électrique ? On a vu un prototype à Milan fin 2019, quand Kawasaki se lancera-t-elle dans cette voie ?

Fin novembre, nous avons présenté nos modèles 2021 et notre président a aussi évoqué les axes de développem­ent à venir. Des véhicules hybrides, des véhicules 100 % électrique­s, la nouvelle mobilité, l’intelligen­ce artificiel­le, le véhicule autonome, etc.

Très clairement, Kawasaki est consciente que l’avenir va dans ce sens, donc la marque travaille sur le sujet pour être prête le jour “J” dont je suis incapable de dire quand il arrivera. Mais quand on commence à communique­r sur des axes de développem­ent produit, forcément on sait que dans les trois, quatre ou cinq années qui suivent, des choses commencent à arriver

La division moto de Kawasaki va être davantage autonome, c’est ce qu’a indiqué récemment votre président, qu’est-ce que cela risque de changer pour vous ?

Pour les filiales comme la nôtre, rien.

Pour l’activité moto, l’objectif est qu’elle soit plus autonome et plus réactive. Jusque-là, nous étions intégrés dans Kawasaki Heavy Industries, un énorme groupe qui générait une certaine inertie dans les processus de décision. Le fait que la moto soit toujours intégrée dans ce groupe mais dans une structure un peu plus autonome va permettre d’accélérer la vitesse de transforma­tion et de mise en place des nouvelles technologi­es. C’est l’objectif. ○

 ??  ?? La Z 900, ici dans sa livrée 2021, reste un maillon fort de la gamme Kawasaki sur le marché français.
La Z 900, ici dans sa livrée 2021, reste un maillon fort de la gamme Kawasaki sur le marché français.
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 ??  ?? Comme l’indique Patrick Marchal, la majeure partie du réseau Kawasaki est à présent aux normes de représenta­tion souhaitées par la marque.
Comme l’indique Patrick Marchal, la majeure partie du réseau Kawasaki est à présent aux normes de représenta­tion souhaitées par la marque.
 ??  ?? On l’oublie parfois mais la Vulcan S reste l’une des meilleures ventes de Kawasaki en France.
On l’oublie parfois mais la Vulcan S reste l’une des meilleures ventes de Kawasaki en France.
 ??  ?? Patrick Marchal avec la dernière création des ateliers MRS, une splendide Kawasaki cross sur la base de la W 800 vintage.
Patrick Marchal avec la dernière création des ateliers MRS, une splendide Kawasaki cross sur la base de la W 800 vintage.
 ??  ?? La Z H2 a été l’une des grosses nouveautés 2020 de Kawasaki, elle est malheureus­ement sortie au moment du confinemen­t...
La Z H2 a été l’une des grosses nouveautés 2020 de Kawasaki, elle est malheureus­ement sortie au moment du confinemen­t...
 ??  ?? Fin 2019, Kawasaki a montré une moto électrique, manière de prouver qu’elle travaille sur le sujet...
Fin 2019, Kawasaki a montré une moto électrique, manière de prouver qu’elle travaille sur le sujet...
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