LE (VRAI) GÉNIE DE STAR WARS N'EST PAS CELUI QUE VOUS CROYEZ
À l’occasion de la sortie du huitième épisode de “Star Wars”, Ben Mauro, le directeur artistique de “Valérian et la Cité des mille planètes”, de Luc Besson, révèle un ressort essentiel de la fructueuse histoire de ces films entamée en 1977. Et revient sur
Je ne me souviens plus quel épisode de
Star Wars j’ai vu en premier lorsque j’étais plus jeune, était-ce Un Nouvel Espoir ou
L’empire contre-attaque ? Les souvenirs de ces découvertes toutes neuves sont un peu épars aujourd’hui, un peu flous. Ce dont je me souviens le mieux, ce sont ces fabuleuses scènes de bataille D’AT-AT dans la neige sur la planète Hoth. Je n’ai réellement saisi l’ampleur du travail qu’elles représentaient qu’une fois devenu artiste, bien après dans ma vie. Plus tard, je suis revenu aux films de la saga, en les regardant à nouveau mais de beaucoup plus près. J’ai 33 ans. Je suis probablement né un peu trop tard pour que ces films aient eu sur moi l’effet qu’ils ont pu produire sur la jeune génération de spectateurs qui me précédait. Si les Star Wars ont eu une influence particulière sur mon choix de carrière? Pas directement. Au départ, je voulais exercer dans l’industrie du jeu vidéo, mais, au fur et à mesure, je me suis passionné pour le design et j’ai fini par changer mon fusil d’épaule à mi-parcours dans mes études. C’est là que je suis donc entré pleinement dans l’univers Star Wars. J’ai commencé à l’apprécier au moment même où je me suis mis à l’étudier. J’adore le travail de Ralph Mcquarrie, de Joe Johnston et des autres artistes sur la trilogie originale, leurs prodiges d’inventivité pour donner vie à cet univers. Ils ont signé une véritable oeuvre d’art. Le travail effectué sur les préquels – en particulier sur l’épisode i,
La Menace fantôme – a été également très inspirant. Il foisonne d’idées vraiment “cool”. Les concepts imaginés par Doug Chiang, Iain Mccaig et Terryl Whitlatch ont eu un effet plus déterminant sur moi, parce que ces films sont sortis alors que j’étais encore étudiant.
Un côté réaliste, des décors naturels
L’impact visuel de la saga Star Wars sur la science-fiction est majeur, c’est une évidence, même si je la range plus justement dans le registre de la “science fantasy” plus que dans celui de la science-fiction pure. Ce sont des films comme Alien, Aliens ou Blade
Runner qui ont laissé une empreinte sur le genre. Mais Star Wars – particulièrement son identité visuelle – a ouvert une brèche et a libéré l’imaginaire. Son influence n’a cessé de s’étendre au fil des décennies. La vision du futur qu’offre la saga, son look, possèdent quelque chose d’assez crédible pour avoir pu y installer un récit à l’épreuve du temps. Cet aspect esthétique reste pour moi le plus fascinant dans les premiers volets de la série. La grande intelligence de ses créateurs est d’avoir su garder un côté réaliste plutôt que d’imaginer un univers complètement décalé ou loufoque par rapport à ce qui existe sur Terre. L’utilisation de décors naturels (la dune de Nefta en Tunisie, le Redwood National Park en Californie, ndlr) ainsi que divers ensembles déjà construits à travers le monde ont permis aux spectateurs de mieux intégrer ce qu’ils regardaient. Il ne restait plus à George Lucas et à ses designers qu’à ajuster ce qu’ils avaient devant eux pour rendre le tout extravagant et séduire un public encore plus large. En tant que directeur artistique, ce que j’apprécie le plus dans les sept épisodes, c’est le côté un peu usé, “habité”, des objets et de certains décors. Cela rend le spectacle plus plausible encore. Les lieux, les véhicules, les personnages, les sites ont tous l’air d’avoir une histoire et un caractère riche qui me saisissent vraiment plus que dans d’autres films. Peut-être que les premiers épisodes, parce qu’ils ont été tournés il y a près de quarante ans, ont un petit côté daté, mais les derniers volets ont permis de réajuster l’ensemble, de remettre à jour un univers, voire d’anticiper son avenir. Je suis très curieux de découvrir quelle orientation va prendre la saga désormais, quelle sera sa trajectoire. Pour moi, ce n’est pas la
conception d’un objet ou d’un costume en particulier qui m’a le plus captivé, mais la construction globale de la première trilogie. Il faut revenir en arrière pour réaliser à quel point les décisions prises à l’époque restent aujourd’hui visuellement impressionnantes. Cela dit, j’ai une affection particulière pour les véhicules et les vaisseaux spatiaux. Les AT-AT, les AT-ST, le Snowspeeder, la Speeder Bike et le Tie Fighter figurent parmi mes favoris. Quant aux personnages, acteurs ou humanoïdes, difficile de battre le style d’un Dark Vador, d’un Boba Fett et le design de l’armure des Stormtroopers! Néanmoins, je ne me considère pas comme un fan absolu. Je ne lis pas les tonnes de livres parus sur le sujet, je ne collectionne pas les jouets. J’aime tout simplement comprendre et étudier ce qui a déjà été créé afin d’avoir une meilleure perspective lorsque je commence à concevoir quelque chose de nouveau pour un client ou bien pour moi-même. Mon intérêt pour Star Wars vient de ma curiosité insatiable et de mon désir de mieux comprendre mon travail. J’ai collaboré à Lucasfilm Ltd. il y a un peu plus d’une dizaine d’années en tant que concepteur indépendant. C’était pour un projet baptisé Star Wars: Underworld. J’y faisais à la fois du design et de l’illustration. C’était l’un de mes premiers emplois en freelance en tant qu’étudiant, alors en transition professionnelle. J’avais été contacté par l’un des producteurs là-bas et j’ai commencé à créer pour eux des oeuvres presque immédiatement.
savoir prendre certaines distances
Depuis, j’ai appris par la presse que le projet avait été annulé, puis transformé en un jeu vidéo appelé Star Wars 1313 qui, également, n’a jamais vu le jour. J’ignore ce qu’il en est aujourd’hui. Mais ce travail m’a permis de rencontrer des artistes que j’admirais et d’apporter ma contribution à un univers qui m’enthousiasmait. J’étais, je m’en souviens, à la fois fier et excité de participer à un tel projet. Je ne pensais à rien d’autre qu’à ce travail à l’époque. Sur Valérian et la Cité des
mille planètes, je n’ai pas été influencé par l’univers de George Lucas, du moins pas directement. Les exploits de Valérian en bande dessinée avaient débuté bien avant la sortie d’un Nouvel Espoir, en 1977. J’avais donc, en tant que directeur artistique sur le film de Luc Besson, une ligne directrice largement inspirée des albums de JeanClaude Mézières et de Pierre Christin. Il y a pourtant des points communs entre les deux univers au niveau du design. J’ai d’ailleurs pris certaines distances avec le travail de Mézières pour que cela ne rappelle pas Star Wars une fois adapté à l’écran. Nous sommes même allés parfois dans une direction totalement opposée au dessin originel, comme pour l’intérieur du vaisseau de Valérian, l’intruder. Dans la bande dessinée, il y a un côté plus analogique avec des boutons et des petits écrans partout comme à l’intérieur d’un sous-marin ou d’un avion. J’ai opté, pour ma part, pour un design plus high-tech Est-ce que j’irai voir Star Wars, épisode VIII:
Les Derniers Jedi? Absolument ! Je suis impatient de le voir et surtout d’en savoir plus sur l’histoire de Luke Skywalker. Je suis curieux de découvrir vers où Rian Johnson va porter son récit en partant de là où J.J. Abrams l’a abandonné.