BUSINESS MODEL
LE MEILLEUR RESTE L’AVENIR auteure Anne Gaffié
Avec le lancement de la collection “Louis Vuitton 2054”, où l’utile rivalise avec l’esthétique, Virgil Abloh fait voyager l’homme dans le futur en repensant les codes historiques de la maison. Et pose pour principe que Louis Vuitton est l’avenir de l’homme.
Décodage en règle par celui qui a toujours un train d’avance.
L’officiel Hommes : Cette collection “Louis Vuitton 2054” est-elle le trait d’union symbolique entre hier et demain pour la maison ?
Virgil Abloh : Il est certain que toute recherche créative passe d’abord par une étude de ce qui s’est déroulé en amont. C’est seulement en comprenant le passé que l’on est capable d’apporter un plus au présent. Je trouvais intéressant de repartir du fait que Louis Vuitton a été à l’origine en 1854 une marque dédiée à l’art du voyage, et d’imaginer ce qu’elle pourrait être deux siècles plus tard. À quels besoins de ses clients devra-t-elle répondre en 2054 ? En quoi et comment notre approche collective du vêtement évoluera-t-elle ? Performance, transformation et polyvalence m’ont dès lors semblé des pistes plus que crédibles.
Cette collection ferait-elle alors partie d’une stratégie plus globale mise en place au studio homme chez Louis Vuitton depuis votre arrivée à la direction de création ?
L’idée derrière cette collection est d’affiner, d’aiguiser la proposition de vêtements et d’accessoires essentiels aux fondements d’une garde-robe. Auparavant, sur le pre-fall 2019, nous avions déjà lancé “Staples Edition”, une autre ligne à part entière. “Louis Vuitton 2054” est la continuation de ce projet : construire en interne une infrastructure de collections qui couvre tous les domaines dans la façon contemporaine de s’habiller.
Vous avez décrit cette collection comme une performance, se jouant des codes urbains et techniques de l’activewear. Est-ce nouveau chez Louis Vuitton ?
Pas tant que ça, car l’idée a toujours été chez
Louis Vuitton de rester à l’écoute et en phase avec le monde qui l’entoure. Or, aujourd’hui, nous vivons dans une époque de prise de conscience grandissante, personnelle mais aussi globale, où chacun semble vouloir tester ses propres limites. Avec un niveau d’exigence de plus en plus élevé dans notre façon de consommer, et c’est aussi valable pour ce que nous portons. Nous attendons des produits qu’ils soient performants, utiles, multifonctions… que la technique aille bien au-delà de la seule esthétique. S’envelopper dans un manteau qui puisse se muer en tente (prototype non commercialisé) ou une sur-chemise qui se transforme en oreiller, l’idée est extrême mais répond bien à l’état d’esprit du moment.
Les quatorze pièces sont toutes ultratechniques, intégrant chacune des options transformables et multifonctionnelles. C’était “no limit” en matière de création ?
Dès le départ, l’objectif avec “Louis Vuitton 2054” était de repenser la marque pour le futur. En partant du thème central qui était celui de la multifonctionnalité, nous avons relevé les défis techniques les uns après les autres, rendant le champ des possibles de plus en plus concret et précis. Les matières, les procédés d’assemblage, même les idées sont toujours applicables à la réalité, encore faut-il les rêver.
Techniquement, quelle fut votre source d’inspiration première ?
J’avoue avoir été fortement inspiré par la technicité actuelle de l’équipement de camping, et cette nécessité de pouvoir tout transformer, compacter pour une facilité de transport et de déplacement. Les matériaux utilisés, les systèmes de pliage y sont incroyablement précurseurs.
Il y a beaucoup de signes de reconnaissance et de codes divers dans cette collection : logo LV en 3D, Monogram en relief trompe-l’oeil, tirette des fermetures Éclair en Plexi transparent… L’identité visuelle est-elle aussi l’avenir de l’homme ?
C’est en tout cas la meilleure signature ! L’apport de codes visuels inédits reste le moyen le plus efficace pour affirmer un ADN distinctif, et surtout différencier une collection d’une autre de façon claire et immédiate.
“Compressomorphosis”, “Accessomorphosis”, cette collection relèverait-elle d’une étude de cas ?
Je suis intimement convaincu que l’avenir de la mode passera demain par autre chose que par des considérations purement esthétiques. C’est en cela que ce projet est une étude.
À quel type d’homme s’adresse la collection, comme ce “Keepall Sleepall” (sac Keepall transformable en sac de couchage) ?
Cette “Capsule One” est la panoplie parfaite du client de luxe passionné d’outdoor. Chaque pièce produite est une réponse à un besoin précis, pensé à partir d’un brief parfaitement holistique.
Et quand pourra-t-il concrètement s’équiper ?
La collection arrive officiellement en boutique le 6 décembre dans le monde entier, mais il y aura des previews organisées dès novembre dans quelques grandes villes.
“Nous attendons des produits qu’ils soient performants, utiles, multifonctions… que la technique aille bien au-delà de la seule esthétique. S’envelopper dans un manteau qui puisse se muer en tente ou une sur-chemise qui se transforme en oreiller, l’idée est extrême mais répond bien à l’état d’esprit du moment.” VIRGIL ABLOH