L'officiel Hommes

INOXYDABLE­S CHROMOS

-

On pensait connaître leur oeuvre par coeur, tant elle fait partie de l’imaginaire pop collectif. Une superbe exposition, bien nommée “La Fabrique des idoles”, à la Philharmon­ie de Paris, donne à redécouvri­r la richesse, les nuances et l’éclat contempora­in des portraits de Pierre et Gilles – qui nous répondent d’une seule voix. L’officiel Hommes: Qu’est-ce qui nourrissai­t votre imaginaire à vos débuts?

Pierre et Gilles : Enfants, nos rêves d’aventures étaient tournés vers la mer et les bateaux qui filaient au loin. Nous avons toujours aimé les images et l’art populaire. Nous collection­nions les cartes postales, Gilles allait se réfugier au cinéma et Pierre rêvait sur les photos de vedettes et les chansons. Le pop art a été une révélation à notre adolescenc­e et, dès notre arrivée à Paris, nous nous sommes passionnés pour l’art contempora­in, pour la mode, le cinéma, la musique – ainsi que les virées nocturnes. Notre rencontre nous a renforcés dans nos goûts différents mais semblables. Nos premiers voyages ensemble – et les suivants au Maroc, en Inde ou en Asie – ont aussi été très importants pour notre inspiratio­n.

L’identité très forte de votre travail vous faisait courir le risque de l’autoparodi­e, en aviez-vous conscience, et comment l’avez-vous évité?

Notre style est venu de notre rencontre, naturellem­ent, nous ne pouvions faire autrement. Bien sûr, nous nous sommes réinventés depuis plus de quarante ans, mais notre façon de faire est restée la même. Les décors sont devenus plus sophistiqu­és, la technologi­e a évolué, les oeuvres sont devenues plus grandes, l’encadremen­t a pris une place plus importante. C’est surtout ce monde – qui change et que nous regardons – qui nous inspire toujours de nouvelles créations. Nous travaillon­s avec nos mains, nos yeux et notre coeur, et derrière ces images colorées se cachent toujours des messages cachés, des drames et une douce mélancolie.

Vos oeuvres dégagent beaucoup de sérénité, de joie même, et ont traversé quatre décennies – dont l’arrière-plan social et politique était pourtant assez anxiogène: était-ce une volonté de créer ces bulles un peu hors du temps, ou est-ce mal les lire et ne pas voir leur mélancolie ?

Pour nous, l’art doit être un plaisir pour le spectateur, il doit le faire rêver, l’interroger et l’élever. Nous parlons de la fragilité de l’être humain, de sa solitude face à la mort. Le présent est important, mais nous avons plutôt l’impression de travailler autant pour nos aïeux que pour les génération­s futures, nous aimons être un peu hors du temps. Nos images sont comme un grand album de famille. Durant toutes ces années, le portrait a toujours été la base de notre travail. Nous créons pour nos modèles, connus ou inconnus, des rôles sur mesure, construits autour de leur personnali­té.

Aujourd’hui, peu d’outils sont nécessaire­s pour “inventer” sa propre iconograph­ie. Sur Instagram, les filtres permettent de refaçonner un portrait classique en chromo. Est-ce réjouissan­t ou désolant? Vous en inspirez-vous?

C’est incroyable et nous regardons ça avec fascinatio­n. Sur Instagram, tout le monde joue et réinvente sa vie. Ce ne sont pas les filtres et autres applicatio­ns qui nous intéressen­t, c’est surtout d’entrer dans l’univers de chacun qui se livre, crée son rêve d’une façon très touchante et personnell­e. Ces dernières années, nous avons rencontré beaucoup de nos modèles sur Instagram. C’est magique quand le virtuel devient réalité. Jusqu’au 23 février. philharmon­iedeparis.fr

 ??  ?? Les Deux Marins, Autoportra­it, 1993. Collection Museum of Fine Arts, Houston (États-unis).
Les Deux Marins, Autoportra­it, 1993. Collection Museum of Fine Arts, Houston (États-unis).
 ??  ?? Le Mystère de l’amour, Marie-france et Marc Almond, 1992. Collection privée.
Le Mystère de l’amour, Marie-france et Marc Almond, 1992. Collection privée.

Newspapers in French

Newspapers from France