BEAU TRAVAIL
Huit ans après un premier livre, il fallait bien un deuxième volume anthologique pour rendre compte de l’immensité des champs explorés par M/M (Paris), le tandem le plus aventureux de la création française qui a fait sauter avec joie les barrières entre les genres.
Par BAPTISTE PIÉGAY
La curiosité sans oeillères, le goût de l’inédit, l’appétit pour de nouvelles saveurs : autant de paramètres pour que l’équation de la longévité aboutisse à un résultat excitant. Assurément, Mathias Augustyniak et Michael Amzalag la connaissent sur le bout des doigts. Établi en 1992, leur studio de graphisme M/M (Paris) s’est imposé dans un rôle dépassant le simple cadre de l’accompagnement de projet : plus détonateur qu’illustrateur, plutôt narrateur libre qu’interprète littéral, leur travail évoquait les immenses Cassandre, pour l’intuition de la juste typographie, ou Roman Cieslewicz, par son imaginaire poétique, sa grâce allusive, les espaces ménagés pour que notre regard s’y glisse, s’installe, le fasse sien. Conceptions de pochette de disques, d’affiches pour le théâtre, de décors d’opéras, mise au point d’identité visuelle, ponts jetés entre leur activité et l’art contemporain (Douglas Gordon, Pierre Huygue), ou encore la mode, avec ce “pradalphabet” pour la Maison Prada : on pourrait ainsi décliner un inventaire à la Perec (s’il fallait lier leur démarche à celle d’un écrivain, c’est l’auteur de La Vie mode d’emploi qu’on élirait, tant ils semblent partager une inclination pour la fantaisie et la souplesse pluridisciplinaire). Il est ainsi peu étonnant que des univers aussi, a priori, éloignés que ceux du chef Jean-françois Piège ou d’étienne Daho, aient trouvé chez eux des oreilles attentives et vu dans leurs yeux le reflet de leur propre gourmandise. La double exposition qui les met à l’honneur cet automne en est le témoin.