ÉTERNEL FÉMININ
Dix ans d’audaces et de chefs-d’oeuvre : depuis son ouverture à Paris, la galerie Gagosian n’a cessé d’innover, d’étonner, d’impressionner. Son exposition anniversaire ne fera pas exception.
Par BAPTISTE PIÉGAY de son 10e anniversaire la scénographie de “Bustes de femmes”. Reprenant un motif aussi ancien que la pratique artistique – la représentation du buste féminin –, l’exposition croisera les regards que Richard Avedon, Jeff Koons, Man Ray, John Currin ou encore Cindy Sherman ont posé sur cet exercice de style. Elle offrira autant une mise en perspective d’une décennie de mise en lumière de l’art contemporain qu’une célébration de sa vitalité. En faisant le pari d’un retour aux sources, à un des grands topoï de l’histoire de l’esthétique, en démontrant que c’est le geste qui fait oeuvre plus que le sujet, la galerie fait de son anniversaire un éloge d’un bel avenir, en construction perpétuelle.
Pour y parvenir, il faut prendre la rue d’alsace, sur le côté de la gare de l’est, monter un drôle d’escalier double, puis longer une vue époustouflante faite des toits gris et vert pâle des quais de la gare qui ondulent en vagues immobiles pour arriver enfin à un petit coin de rue, tranquille et lumineux, hors du temps. Là se trouvent l’hôtel Les Deux Gares et son alter ego, un café-restaurant, situé juste en face. Pour recréer cet ancien petit hôtel de gare désuet, Adrien Gloaguen, fondateur du groupe Touriste, avait envie d’une ambiance cinématographique des seventies, celle des plus beaux films de Rohmer ou de Sautet, une “time capsule” avec un style singulier. Il confie cette réinvention totale au prodige du maximalisme à l’anglaise : Luke Edward Hall, touche-à-tout de génie et spécialiste d’une élégance excentrique à faire remonter le temps, dont ce sera le premier hôtel.
Dès le lobby, on sait que le pari est réussi : des murs vert électrique, un sol en marbre à motifs chevron noir et blanc, un fauteuil bleu Klein, des touches chocolat, rouge et rose, des affiches de Salvador Dali et David Hockney, des fauteuils années 40 tendus de soie rayée et des livres anciens ou non minutieusement choisis et empilés sur une table. Le bistro décline les mêmes codes avec un bar couleur rouge framboise, un plafond hypnotique avec un effet écailles de tortue et d’incontournables chaises Thonet. La carte, changeante, inspirée mais aussi très accessible, a été conçue par une jeune équipe de chefs (Jonathan Schweizer et Federico Suarez), et elle est déjà encensée par tous les critiques gastronomiques qui comptent dans la capitale, incluant un François Simon ravi. Tout cela est évidemment hautement instagrammable, mais il se passe quelque chose d’autre, l’atmosphère semble habitée d’un bel esprit et pas seulement grâce aux fantastiques portraits de l’illustratrice Fee Greening suspendus dans les couloirs, représentant des icônes comme Francis Bacon, Lucian Freud, David Bowie ou Oscar Wilde.
Le panthéon personnel de Luke Edward Hall, lui aussi, regorge de héros, d’esthètes et d’artistes queer et “so british”. Il le revendique clairement dans ses interviews et dans son travail : avec ses dessins à la Cocteau (dont certains ornent les chambres de l’hôtel), les “Bright Young People” qu’il affectionne, dont faisaient partie le photographe Cecil Beaton et sa “muse” Stephen Tennant, le décorateur star du Swinging London David Hicks