L'officiel Voyage

ET DIEU CRÉA LE CHAMPAGNE

SYNONYME DE FÊTE ET DE GLAMOUR, IL FAIT TOURNER LA TÊTE DU MONDE ENTIER. MAIS QUEL EST LE SECRET DE CE VIN QUE L’ON SURNOMME LE NECTAR DES ROIS ? ENQUÊTE SUR LES TERRES ANCESTRALE­S DE CHAMPAGNE.

- PAR THIBAULT DE MONTAIGU PHOTOGRAPH­IE PAR FRANÇOIS GUENET

“Le champagne est le seul vin qui rend les femmes belles même après qu’elles l’ont bu”, disait la marquise de Pompadour, favorite de Louis XV. Elle en était si folle, dit-on, que la toute première coupe à champagne fut moulée sur son sein. Légende peut-être ; il n’en demeure : à partir du XVIIIE siècle, pas une fête ni un banquet à la cour sans que l’on sabre ce vin effervesce­nt qui rend si gai et si volubile. Le Régent le sert à ses soirées libertines, les aristocrat­es avant de monter sur la guillotine en portent un verre à leurs lèvres. Mais quel est le secret de cette boisson qui rend si léger et console de tous les maux comme le prétendait Wagner ? Comment expliquer que ces bulles, qu’on tenait pour un défaut de fabricatio­n et qui faisaient exploser les bouteilles en cave, procurent cette douce euphorie et donnent l’impression de tutoyer les cieux ? C’est pour essayer de le comprendre que j’ai pris la route de ces terres légendaire­s sises à l’est de Paris.

Première étape de ce périple : Reims et ses crayères, ces anciennes carrières de craie que les moines du Moyen-âge utilisaien­t pour conserver leurs vins. “Tu ne peux pas rater ça”, m’avait soufflé un ami, l’air de dire que toute la magie du champagne tenait beaucoup à ces galeries souterrain­es qui existent depuis des siècles et des siècles. Toutes les illustres maisons en possèdent, que ce soient Krug ou Ruinart, mais c’est chez Taittinger que mes pas vont me conduire. La maison fondée en 1932 a été construite à l’emplacemen­t même de l’église Sainte-nicaise, détruite par les révolution­naires. Ce qui explique la présence de ce réseau de crayères long de quatre kilomètres auquel on accède par un escalier descendant à vingt mètres sous terre. Il faut s’imaginer ces moines bénédictin­s du XIIIE siècle avec leur coule noire et leur torche à la main arpentant ces espèces de catacombes aux murs humides et friables, percés de portes en bois sur lesquelles on reconnaît encore la croix, le marteau et les clous de la passion du Christ. Frissons. Deux millions de bouteilles y sont entreposée­s aujourd’hui, et pourtant, aucune révélation au moment d’en goûter le nectar. Un vin élégant, féminin, avec cette belle acidité propre aux chardonnay­s. Mais point de divine surprise. Ces crayères sont peut-être une magnifique sépulture, la véritable vie de ces vins se déroule ailleurs.

Ailleurs… La cathédrale de Reims, à quelques centaines de mètres de là, nous y transporte assurément. Chef d’oeuvre gothique dont la statuaire foisonnant­e de la façade donne le tournis. C’est ici que Clovis fut baptisé et que Jeanne d’arc, cette paysanne répondant à l’appel de Dieu, emmena Charles VII pour être sacré après avoir vaincu les Anglais à Orléans. Je découvre dans le bras sud du transept un merveilleu­x vitrail en lancette en hommage au vin de champagne commandé au maître verrier Jacques Simon, qui renoue avec les vitraux des corporatio­ns du Moyen-âge représenta­nt le travail des vignerons et leurs saints-patrons. Des siècles d’hommes et de femmes oeuvrant dans les vignes sont là qui me contemplen­t. Des siècles de patience et d’amour de la terre. De traditions et de prières. Le passé est sans doute le meilleur des maîtres pour apprendre l’art de la vinificati­on et c’est sans doute là où je dois chercher. Le soir-même, je pose mes valises au Royal Champagne, ancienne auberge de relais entre Reims et Epernay, où Napoléon fit halte avant son sacre. Ici encore, le champagne est partout. Dans les lustres à effet de bulle de l’entrée, dans les couleurs blond doré, bois clair ou or gris des sols et des meubles modernes, dans les livres ou la grande vitrine traversant­e où sont entreposés des crus prestigieu­x, sans compter le très beau panorama sur les vignobles et la Marne qui coule en contrebas. À table, j’engage la conversati­on avec le sommelier : la grande mode aujourd’hui, c’est de faire des vins à partir d’une seule parcelle, m’explique-t-il, ou encore d’ajouter le moins de sucres possible (contenus dans la fameuse liqueur d’expédition que l’on rajoute à la fin de la deuxième fermentati­on) afin de mettre en valeur le raisin. Il décide de me surprendre en me faisant goûter un brut nature 100 % meunier – l’un des trois cépages du champagne avec le chardonnay et le pinot noir mais sans doute le moins coté. Une jolie découverte que ce vin à la fois frais et gourmand qui se marie à merveille avec mes asperges rôties. S’il y a les grandes maisons d’un côté, il y a une multitude de vignerons de l’autre, qui les approvisio­nnent ou produisent eux-mêmes leur vin, faisant du champagne une histoire en éternel mouvement.

Dès le lendemain, je décide de partir à leur rencontre sur le terrain. Notre cicérone, Isabelle Rousseaux, qui organise des tours privés

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France