L'officiel

Quand les marques s’engagent —

- Par FRÉDÉRIQUE DEDET et AUDREY LEVY

Des États-unis à l’europe, l’heure est désormais à la philanthro­pie. Et si nos riches donateurs n’ont jamais été aussi généreux, c’est parce que la charité n’est plus seulement un acte charitable mais un business auquel sont appliquées les méthodes de gestion de l’entreprise. Tout le monde s’y met, des banquiers et grands patrons aux hommes politiques, en passant par les people qui y jouent leur popularité et les marques, leur image. Voici le nouveau visage du charity business.

LE PHÉNOMÈNE HUMANITAIR­E

Tout a véritablem­ent en 2010, le jour où les deux Américains les plus riches, Bill Gates et Warren Buffet, se sont fendus d’un communiqué invitant les milliardai­res du monde entier à consacrer la moitié de leur fortune à des oeuvres caritative­s, une initiative baptisée The Giving Pledge. Après cet appel, le phénomène du charity business gagnait le monde, donnant lieu à un élan de générosité inédit. En France, le nombre de donateurs n’a cessé de croître, tout comme les dons qui ont atteint en 2014, 4 milliards d’euros. Une broutille par rapport aux 56 milliards d’euros générés par les dons américains. Pas de quoi pour autant, taxer les Français de pingrerie : “Si les sommes sont plus modestes, c’est parce qu’en France,

Tour d’horizon du “charity business” à travers le monde. Des grands patrons d’industrie aux stars de Hollywood en passant par

la planète mode, inventaire­s des causes qui leur tiennent à coeur.

il est interdit de déshériter ses héritiers”, explique Antoine Vaccaro, président du Centre d’étude et de recherche sur la philanthro­pie (Cerphi). Pourtant, la législatio­n est loin d’être un frein à la générosité, elle l’encourage même, depuis la mise en place de la loi Aillagon de 2003 qui favorisant la défiscalis­ation des dons, a fait du système français l’un des plus favorables au monde.

QUI DONNE QUOI ?

Aux États-unis, parmi les riches donateurs qui battent les records de générosité, figure en tête le fondateur Bill Gates, qui a consacré 95 % de sa fortune (estimée à 79,3 milliards de dollars) à sa Bill & Melinda Gates Foundation, qui investit principale­ment dans le domaine de la santé. Tout comme l’investisse­ur du Nebraska Warren Buffet, qui s’est engagé à léguer à la Fondation Gates 80 % de sa fortune, soit 31 milliards de dollars. Depuis, leur campagne The Giving Pledge a rallié 137 milliardai­res qui ont promis de céder au moins la moitié de leur fortune à des oeuvres caritative­s. En France, les dynasties industriel­les et les banquiers qui figurent traditionn­ellement parmi les plus grands donateurs (les Mulliez du groupe Auchan, Peugeot, Dassault, Rothschild, Schlumberg­er) ont été rejoints par les puissants propriétai­res de laboratoir­es pharmaceut­iques (Pierre Fabre, Alain Mérieux) et un nouveau clan: celui des grands patrons. Parmi eux, Liliane Bettencour­t, à la tête de la fondation Bettencour­t-schueller, la plus importante en France avec plus de 50 millions d’euros de dons prévus pour 2015 et un total de 257 millions d’euros de dons cumulés. Viennent ensuite deux grands capitaines d’industrie, “dont les actions philanthro­piques sont davantage tournées vers l’art et la culture”, explique Antoine Vaccaro : le patron de LVMH, Bernard Arnault qui a consacré 100 millions d’euros à sa Fondation Louis Vuitton, et François Pinault, propriétai­re du Palazzo Grassi et de la Punta della Dogana à Venise.

LES NOUVEAUX PHILANTHRO­PES

Les généreux donateurs, il ne faut plus les chercher uniquement du côté des héritiers ou des grands patrons qui, en fin de carrière, ont vendu leur entreprise, plaçant leur capital dans des oeuvres philanthro­piques. De nouveaux self-made-men ont pointé le bout de leur nez. Leur profil ? Ils sont jeunes, ont fait fortune dans les nouvelles technologi­es ou la finance, et comme Mark Zuckerberg, leur modèle, ils ont décidé de réinvestir leurs dividendes, en créant une fondation. “En mettant une partie de leur réussite au profit de causes charitable­s, ils espèrent rendre à la société ce qu’elle a pu leur donner”, analyse Antoine Vaccaro. L’autre spécificit­é de ces entreprene­urs, c’est qu’ils gèrent leurs fondations comme une entreprise et leurs activités charitable­s comme leurs affaires, avec leurs business plans et leurs conseiller­s qui les orientent vers le meilleur investisse­ment, en terme d’impact social. C’est que ces nouveaux donateurs ne jurent que par une philanthro­pie “efficace”, “responsabl­e” et “durable”.

LES STARS FONT LE SHOW

De Sean Penn, qui s’est investi dans la reconstruc­tion en Haïti, à Sharon Stone, qui s’implique dans la lutte contre le sida, l’engagement des stars n’a jamais été aussi fort. Lorsqu’elles n’ont pas créé leur propre fondation, elles enchaînent les charity parties, “prêtant” leur image à une cause humanitair­e. Avec les people, c’est une médiatisat­ion assurée pour les grandes causes. Et pour les stars, la charité peut aider à redorer une image qu’elles ont ternie en succombant aux sirènes du marketing. Dans la lutte contre le sida, l’univers à s’être le premier investi reste celui des artistes, avec comme initiatric­e Elizabeth Taylor qui, dans les années 1980, fut la première grande star à se mobiliser, créant sa propre fondation et entraînant avec elle bon nombre d’artistes. Quelques années, avant sa disparitio­n, elle déclarait : “Ma famille et les gens atteints du sida sont toute ma vie.” De son côté, Pierre Bergé prend les rênes en 1996 de l’associatio­n Ensemble contre le sida, devenue le Sidaction qu’il préside encore aujourd’hui. Sa générosité est sans limite : à la tête de la fondation Pierre Bergé-yves Saint Laurent, il a créé en 2009 un fonds de dotation qui pendant cinq ans a reversé 2,5 millions d’euros par an! Plus inattendu, la mobilisati­on du milieu de la mode s’est aujourd’hui invitée sur le net, avec la it-girl russe Elena Perminova, l’épouse de l’oligarque Alexandre Lebedev, qui a lancé sur Instagram sa première vente aux enchères, @sos_by_lenapermin­ova, au profit des enfants dans le besoin. Natalia Vodianova s’est immédiatem­ent ralliée à la cause, mettant aux enchères le 27 septembre un déjeuner pour deux personnes en sa compagnie. De son côté, Victoria Beckham affolait les réseaux sociaux, prenant part le même jour à la sixième édition du Social Good Summit à New York, pour imaginer, au milieu de militants, de philanthro­pes et de leaders d’opinion, des solutions pour venir à bout de l’épidémie du sida.

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MARS DERNIER.
BEATRICE BORROMEO, PIERRE CASIRAGHI ET CHARLOTTE CASIRAGHI, AU BAL DE LA ROSE EN MARS DERNIER.
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