L'officiel

Mille et une vies

Sonia Ben Ammar, ou le conte de fées d’un mannequin prêt à conquérir Hollywood. Le règne des millennial­s est advenu.

- PHOTOGRAPH­IE KATIE MCCURDY STYLISME COQUITO CASSIBBA TEXTE JULIETTE MICHAUD

Notre covergirl est déjà là lorsque nous arrivons à l’hôtel The Standard de West Hollywood. Pro, détendue, jogging chic et mocassins blancs. Au cou, un collier-prénom Cry-baby : “Un rôle de Johnny Depp jeune !” De petite taille (1,70 m), Sonia Ben Ammar est ravissante au naturel et nous demande vite, en français, de la tutoyer : “Après tout,

je n’ai que 18 ans!” Voix chantante, rire qui fuse, nous sommes déjà conquis. Lancée par son Instagram il y a un an, Sonia, fille du producteur de cinéma franco-tunisien Tarak Ben Ammar, a aujourd’hui un contrat avec Miu Miu et Dolce & Gabbana, un disque et une carrière de cinéma dans les starting-blocks. Vous avez dit génération surdouée ?

Vous faites pour ce numéro de L’officiel l’une de vos premières couverture­s de mode !

Sonia Ben Ammar: C’est vraiment très excitant. D’autant plus que la séance photo s’est déroulée à Los Angeles, où je viens souvent parce que c’est une ville qui réunit toutes mes passions: la musique, le cinéma et la mode. Je finalise à L.A. un disque sur lequel je travaille depuis un an et demi, qui, j’espère, va être prêt très bientôt. J’ai aussi des propositio­ns de casting pour de gros projets cinéma, mais il est trop tôt pour en parler. Et cet été, alors que j’ai toujours habité à Paris, je vais m’installer à L.A. pour étudier le music

business à l’université USC. Les choses se mettent en place.

Chanteuse, actrice, mannequin : à quel moment tout ceci a-t-il commencé pour vous ?

Tout a vraiment commencé avec mon compte Instagram, devenu populaire il y a un an. Mais, profession­nellement, je suis active depuis que j’ai 8 ans, âge auquel j’ai participé au doublage et à la musique d’un film d’animation. À 14 ans, il y a eu la comédie musicale 1789, les amants de

la Bastille, divers petits boulots, dont à la télévision française et un rôle dans Jappeloup, de Christian Duguay, avec Guillaume Canet, en 2013. Ces rôles sont-ils venus à vous, où êtes-vous allée les chercher ? J’ai auditionné, comme tout le monde. Ma première passion est la musique, mais jouer la comédie a toujours été une envie complément­aire.

Vous rêviez depuis toujours d’être artiste ?

Oui, l’amour de la musique et du cinéma est de famille. Mes parents m’ont éduquée avec beaucoup de culture, notamment en me montrant de nombreux films ; je suis fan de Meryl Streep et des premiers films de Leonardo Dicaprio. Ce n’est pas très connu, mais mon père jouait de la batterie et ma grand-mère, sans être profession­nelle, était une fabuleuse chanteuse d’opéra. Lorsque mes parents (sa mère

Beata est une actrice, ndlr) avaient des invités, j’improvisai­s des spectacles pour eux, j’adorais ça. Dès 8 ans, je savais que cela deviendrai­t mon métier.

Vos parents comptaient parmi leurs amis Michael Jackson.

Michael Jackson est mon inspiratio­n ultime en musique, c’est un génie. Mais le déclic, je l’ai eu à 9 ans en allant voir mon premier concert : Beyoncé. Je me suis dit : “Voilà ce que je veux être !” (Rires.)

Et la mode ?

Quand j’étais plus jeune, beaucoup de gens me disaient que je devrais être mannequin. Je ne le croyais pas. Je savais que j’étais trop petite pour ce métier, mais j’ai été arrêtée plusieurs fois dans la rue par des recruteurs. Finalement, je suis allée dans une première agence et j’ai compris que ça pouvait marcher. Mais la première année, personne ne savait quoi faire de moi et le métier m’est apparu trompeur et dur. Puis j’ai changé d’agence et j’ai eu la chance de décrocher des campagnes Miu Miu et Dolce & Gabbana. C’est arrivé rapidement.

Comment voyez-vous ce succès, n’est-ce pas trop accéléré ?

Une ascension peut être rapide, mais la descente peut l’être plus encore. Je n’ai pas particuliè­rement voulu que les choses arrivent aussi vite mais c’est en train d’arriver. Le but est vraiment de maintenir ma carrière sur le long terme. C’est pourquoi je veux créer un contenu qui soit vrai et de très bonne qualité. En conservant une solide éthique de travail, en y croyant et en ayant quelque chose de bon à offrir au monde, je crois que cela peut durer.

On peut aussi avoir plusieurs vies en une…

Oui, j’ai plusieurs petites vies dans ma vie et j’ai le sentiment qu’il y a encore beaucoup de vies à venir. J’ai la chance d’avoir des parents qui m’encouragen­t et d’être

“UNE ASCENSION PEUT ÊTRE RAPIDE, MAIS LA DESCENTE PEUT L’ÊTRE PLUS ENCORE. JE N’AI PAS PARTICULIÈ­REMENT VOULU QUE LES CHOSES ARRIVENT AUSSI VITE MAIS C’EST EN TRAIN D’ARRIVER”

entourée de gens qui croient en moi, et je me sens capable de décider de mon futur. Je sais bien que tout le monde n’a pas cette chance, et je prends souvent de la distance – je suis si jeune et je peux faire toutes ces choses: quelque part, ça n’est pas normal !

Vous sentez-vous privilégié­e ?

Oui, je me sens très privilégié­e. Mais je travaille aussi très dur et je n’oublie jamais que beaucoup n’ont pas mes opportunit­és.

En quoi consistent vos contrats avec Miu Miu et Dolce & Gabbana ?

Je suis une de leurs ambassadri­ces, je fais leurs campagnes et je viens de décrocher un contrat de beauté… Je ne peux pas encore vous dire avec laquelle de ces maisons, mais vous avez le choix entre les deux (rires). Ces marques sont devenues une famille pour moi. Surtout Dolce & Gabbana, où les gens sont fantastiqu­es.

Vous dites qu’instagram a joué un rôle dans votre lancement…

Mon compte Instagram est un outil de travail mais aussi un moodboard de tout ce qui m’inspire. Ce n’est pas une démarche narcissiqu­e. Même si j’y poste beaucoup de photos de moi, cela ne reflète pas l’opinion que j’ai de moi-même. Se chroniquer et être connecté fait partie du quotidien de ma génération et rend la vie plus facile en créant un vrai sens de la communauté.

Avez-vous le sentiment de représente­r votre génération ?

Je suis une jeune personne, j’ai plein d’aspiration­s différente­s et j’utilise ma plate-forme sociale pour y parvenir. Oui, mon parcours est symbolique de ma génération, celle des millennial­s, qui a tant d’influence et d’opportunit­és à un jeune âge. C’est d’ailleurs un peu effrayant : me dire que, soudain, je représente ma génération. Je n’ai pas pensé à tout ça en voulant réussir, je voulais juste faire ce que j’aime. Maintenant, je dois penser à être un bon modèle et cela ne se refuse pas. En ce moment, on nous donne littéralem­ent la possibilit­é de faire ce que nous voulons, de vivre notre rêve, et c’est génial.

Comment analysez-vous cette confiance faite à votre génération, notamment par les marques de luxe, et l’emprise que vous avez sur elles ?

C’est très intéressan­t de la part des marques de luxe, comme le fait Burberry, de croiser les genres et les cultures et de bousculer les critères de beauté à travers le marché des millennial­s. Et c’est très intelligen­t. Reliés par les réseaux sociaux, les millennial­s apportent la jeunesse et l’interactio­n, c’est une forme de publicité formidable dans une industrie qui change constammen­t. Dans la vie, on nous regarde souvent de haut l’air de dire : “Oh, vous avez le temps de bâtir une carrière.” Ou “Concentrez-vous sur ce que vous savez faire.” Mais grâce aux marques de luxe qui nous mettent en avant, nous avons le pouvoir de créer quelque chose dès maintenant. Tout est possible. Nous sommes le futur et le marché du luxe l’a bien compris. Car si les jeunes de mon âge ne peuvent pas s’offrir une marque de luxe aujourd’hui, certains peuvent s’acheter un parfum ou du maquillage, et seront peut-être plus tard les clients de ces marques de prestige.

Défiler, cela procure quelle sensation ?

Dans la vie, je suis souvent peu sûre de moi. Sur le podium, je deviens une autre personne, qui a une totale confiance en elle, c’est comme un alter ego. Cela procure un très bon feeling : c’est comme être sur scène, c’est ce même rush d’énergie et d’adrénaline.

On prend modèle sur les millennial­s pour s’habiller, avoir l’air cool, mais ils se réfèrent beaucoup aux icônes du passé… Comment jouez-vous, entre vintage et présent, pour créer votre propre vision ?

Je suis très inspirée par le passé. Audrey Hepburn et Brigitte Bardot sont mes icônes absolues. Pas seulement pour leur travail, mais pour leur classe, leur sophistica­tion et leur générosité. Musicaleme­nt, j’écoute aussi beaucoup de choses du passé, comme Aretha Franklin et les Beatles. Vous entendrez dans mon disque beaucoup de références à Michael Jackson ou différents artistes. Et je porte plein de vêtements vintage, que j’incorpore aux éléments modernes de ma vie. Tout est question d’équilibre entre quelque chose de nouveau et frais et quelque chose qui a l’air familier tout en étant différent.

“MON PARCOURS EST SYMBOLIQUE DE MA GÉNÉRATION, CELLE DES MILLENNIAL­S, QUI A TANT D’INFLUENCE ET D’OPPORTUNIT­ÉS À UN JEUNE ÂGE”

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