Joaillerie : la guerre des pierres
La semaine des présentations des collections de haute joaillerie a révélé un nouveau visage cette année. Plusieurs maisons ont en effet choisi de mettre en avant, non pas leur style et leur essence, mais leur expertise dans le domaine des pierres d’exception.
La semaine du 20 janvier est traditionnellement décisive, en terme d’image et de commandes, pour les maisons parisiennes de haute joaillerie qui présentent à des clients privilégiés leurs créations uniques entre les défilés de haute couture. Si, officiellement, les maisons ne sont pas rivales mais consoeurs, on observe plusieurs effets d’annonce qui font penser que la compétition a gagné en intensité cette année. Aux côtés de Boucheron et Chanel qui ont continué à exalter la virtuosité de leurs ateliers et la richesse de leur imaginaire, d’autres maisons ont choisi de mettre en avant leur capacité à proposer les pierres les plus singulières du marché. C’est le cas de Chopard qui, pour la première fois, a décidé de mettre l’accent sur son expertise dans le domaine des pierres d’exception. Caroline Scheufele, coprésidente et directrice artistique de la maison, a en effet présenté cette semaine un assortiment inédit de pierres précieuses extraordinaires – quatre diamants de grade D-flawless et D-internally Flawless, tous de type IIA, un diamant fancy dark grey-greenish yellow, un fancy vivid yellow de 33,26 carats taille émeraude présenté non monté, une tourmaline Paraíba de 34, 63 carats. “Une étape décisive qui annonce l’âge de maturité de la haute joaillerie Chopard”, annonce la maison. La collection Dior haute joaillerie a mis elle aussi ostensiblement en valeur les pierres hors norme sur des bagues “toi et moi”. L’univers toujours présent de Victoire de Castellane sert véritablement ici d’écrin à la présentation de spinelles rouges, de tourmalines, d’opales et de perles éblouissantes. Mais le plus spectaculaire vient de deux maisons inattendues : Swarovski tout d’abord. Markus Swarovski est venu à Paris en personne pour présenter une vaste gamme de spectaculaires diamants de laboratoire baptisée “Swarovski Created Diamonds”, aux couleurs vives et évocatrices – “Androgyny Flamingo”, “Gothic Cognac”, “Heavy Metal Cherry”, “Cubist Sky” – et d’un certain poids, 2,5 carats pour les plus importants. Une révolution pour le géant autrichien qui compte bien faire étinceler ses pierres, créées pour “augmenter l’imaginaire des créateurs”, au cou et au poignet d’une clientèle internationale, tout en faisant briller sa conscience environnementale. L’autre maison, c’est Louis Vuitton qui a décidé de marquer les esprits en présentant – et c’est un procédé totalement inédit – un diamant brut hors norme de 1 758 carats : c’est-à-dire une pierre non encore taillée ni polie. Elle le sera en fonction des desiderata des clients. Louis Vuitton a partagé les risques d’un telle entreprise avec le tailleur de diamants HB Company basé à Anvers, d’une part, et avec la Lucara Diamond, société canadienne propriétaire de la mine où a été extrait ce diamant brut en avril dernier. Un pourcentage du produit total des ventes sera réinvesti dans des projets communautaires au Botswana. À titre de comparaison, Lucara Diamond avait vendu en 2017 pour 53 millions de dollars un diamant brut de 1109 carats au joaillier anglais Laurence Graff. La pierre nimbée de carbone noir n’ayant pas révélé pour l’instant ses promesses (on ne connaîtra sa pureté et son éclat qu’au moment du clivage et de la taille), elle constitue un quitte ou double qui atteste la motivation des groupes de luxe pour s’approprier un secteur en plein essor.