Un dictionnaire des victimes
Vanina Brière et Arnaud Boulligny, recensent les victimes normandes de l’occupation allemande entre 1940 et 1945. A terme un dictionnaire sera édité.
C’est un travail scientifique et de mémoire qui a débuté il y a plus de 25 ans. En 1990, la Fondation pour la Mémoire de la Déportation voit le jour. Un an après le 50e anniversaire de la libération des camps de concentration et d’extermination, l’équipe de recherche caennaise est créée en 1996. Pourquoi à Caen ? Les archives des anciens combattants (aujourd’hui pôle des archives individuelles des victimes contemporaines) sont à quelques mètres d’eux.
10 km d’archives
10 km de linéaire au sein du quartier Lorge à Caen. Une ancienne caserne qui abrite toujours des services de l’armée. Des tonnes d’archives des victimes civiles des deux conflits mondiaux, de la guerre d’Algérie, mais aussi les victimes d’attentats.
Une base de données qui a permis de dénombrer toutes les victimes civiles non juives (76 000 juifs ont été déportés de France) entre 1940 et 1945. Débuté en 1996 et achevé en 2004, le recensement a permis d’identifier 86 000 personnes.
Mais les recherches ne se sont pas arrêtées. Aujourd’hui, on évalue à 91 000 déportés de répressions, fusillés, massacrés. Deux tiers des dossiers sont ouverts, « mais il nous manque du monde » , soufflent Vanina Brière et Arnaud Boulligny. « Les prisonniers dits du Reich, ceux morts pendant la déportation, les travailleurs décédés à l’étranger. »
« Des dossiers ont disparu »
Ces historiens caennais pensent qu’il faut ajouter à cette terrible liste « quelques centaines ou milliers de victimes. Des dossiers ont disparu, d’autres détruits dans les camps. » Avec l’aide d’associations, d’amicales, de témoignages, ils parviennent néanmoins chaque année à rajouter 200 à 300 noms.
L’idée de créer un dictionnaire de toutes les victimes civiles normandes du nazisme a germé il y a trois ans. Des délégations départementales des amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation se sont créées. Il en existe aujourd’hui 70 en France. Des associations qui souhaitent réaliser un mémorial, à l’instar de l’antenne du Calvados qui édite alors un livre avec l’historien caennais Jean Quellien.
Déportés juifs, déportés de répression, fusillés, massacrés (les fusillés de la prison de Caen le 6 juin 1944 par exemple), otages : toutes les victimes du Calvados, de la Manche et de l’Orne sont collationnées. « L’été dernier, en 2015, nous avions quasiment bouclé nos recherches pour les trois départements de la BasseNormandie » , indique Arnaud Boulligny. « Il nous restait plus qu’à écrire. » . Sauf que la réunification se profilait à grand pas. Il fallait alors voir tout en double.
« Et là, avec toute la Normandie, nous arrivons à au moins 5 000 victimes. » Un nouveau travail de recherche, avant même l’écriture, est donc nécessaire. Cela demande une nouvelle année de travail. Les deux salariés de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, par ailleurs pris par d’autres tâches à la fondation, espèrent donc lever des fonds pour embaucher un chercheur pour 6 mois à un an. « Ce serait l’assurance d’aboutir à la fin des recherches » , explique Vanina Brière.
Ce serait surtout l’aboutissement d’un projet qui ferait « comprendre la mise en oeuvre de la politique de répression et de persécution de l’occupant. »