« Il me manque 150 € tous les matins »
Eleveur et producteur installé à Céaux, Eric Poirier a lui aussi manifesté en juillet dernier pour protester, entre autres, contre l’achat du prix du lait, le concernant.
Un an après, ce dernier se dit très inquiet. « Rien n’a changé, c’est pire qu’avant ! » , s’exclame l’éleveur. C’est sous le Groupement agricole d’exploitation en commun La Provostière, qu’Eric Poirier s’est installé en 2001 à son compte à la Ferme du Mézerey, avec ses parents. Fort de son cheptel qui compte aujourd’hui 60 vaches laitières et 60 génisses d’élevage, l’éleveur s’est tourné, en plus de la vente à la laiterie, vers la vente directe. Ce qui lui apporte un peu d’oxygène, mais pas assez pour parler de sortie de crise.
« Je vis très mal la situation »
Actuellement, l’éleveur vend 440 000 litres de lait par an à la laiterie Savencia et 15 à 60 litres de lait par jour, selon les journées, en vente directe depuis six ans. « J’ai la chance de pouvoir vendre mon lait au Carrefour d’Avranches qui ne se fait pas de marge dessus, donc pour moi c’est intéressant » , explique l’éleveur. Si ce dernier a préféré ne pas se syndiquer, il reste cependant sceptique quant à l’avenir de sa profession. « Sur le long terme, je suis inquiet, et je vis très mal la situation, même si je suis seul à vivre sur mon revenu. Il va très certainement falloir que j’aille vers un prêt trésorerie, si je veux m’en sortir. Et autour de moi, c’est pareil. La mutuelle agricole MSA estime que 30 % des agriculteurs éleveurs vont disparaître cette année » , explique-t-il.
Le lait plus cher pour avoir un Smic
« Aujourd’hui, nous avons perdu 37 centimes par rapport à l’année dernière à la même période sur le prix de base. Il me manque 150 euros tous les matins pour faire 1 000 litres » , lâche Eric Poirier, déçu par les promesses faites il y a un an. « On attendait un juste prix. On voudrait au moins pouvoir couvrir nos frais et avoir une loi qui nous protège. Concrètement, il nous faudrait 380 euros par jour pour couvrir nos frais de contraintes environnementales, de mises aux normes et d’alimentation pour les bêtes » . Selon l’éleveur, le juste prix qui lui permettrait de toucher un Smic, serait de 40 centimes le litre de lait. Aujourd’hui, il est à 29 centimes contre 2 francs en 1985. La reconversion ? Celui-ci y a déjà songé, mais « ce n’est pas facile de le faire car nous sommes endettés. J’ai des emprunts avec des hypothèques. Je ne peux pas lâcher cette affaire comme ça ! » . Eric Poirier va donc faire de son mieux pour continuer malgré sa déception concernant des « accords qui n’ont jamais eu lieu » .