« Un démarrage dans la plus grande tranquillité »
Entretien avec Redouane Boudaoud, directeur du Centre d’accueil des demandeurs d’asile (Cada).
Combien de personnes sont accueillies par le Cada ?
Nous avons 84 personnes, dont huit familles de quatre, quinze familles monoparentales et vingt-deux personnes isolées. Ces dernières peuvent être mariées ou en couple, mais elles sont arrivées seules. En tout, ils représentent 19 nationalités.
À quoi sert le Cada ?
Nous leur apportons une aide administrative, juridique et sanitaire. Nous les assistons auprès de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofpii) qui gère, sur la forme, leur demande de droit d’asile. Ensuite, c’est l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) qui décidera sur le fond et qui dira si, oui ou non, ils peuvent en bénéficier.
Pendant ce temps, où sont logés les demandeurs d’asile ?
Dans des logements sociaux, pour lesquels il y avait de la vacance.
Nous sommes donc loin de l’idée qu’ils auraient pris des logements à des Avranchinais…
Complètement. Quand a été annoncé l’accueil de ces 80 personnes, il y a eu de la curiosité. Beaucoup de questions aussi. Même de l’appréhension de la part d’une frange minoritaire, qui avait tout à fait le droit de s’exprimer. Le nombre a interpellé. Mais sur environ 8 000 habitants, ils ne représentent qu’un pour cent de la population. Il y a eu beaucoup de bruit pour, finalement, un démarrage dans la plus grande tranquillité.
Ont-ils le droit de travailler ?
La loi l’interdit. Ils ont, pour vivre, une allocation journalière. Celle-ci est de 6,80 pour une personne isolée, de 10,20 € pour deux personnes, de 13,60 € pour quatre, et ainsi de suite.
Pour arriver jusqu’ici, certains ont traversé des épreuves très difficiles. Ressentez-vous de l’apaisement, à présent, chez quelquesuns ?
Nous devons faire face à des troubles posttraumatiques. Pour cela, nous travaillons avec le Centre médico-psychologique (CMP), avec des psychiatres et des infirmières psychiatriques. Notre but est qu’ils soient dans un cadre de bientraitance pour qu’ils puissent, s’ils le souhaitent, raconter leur vécu. J’ai l’exemple d’une femme qui vient du Nigeria avec son enfant. Au début, elle n’était pas en confiance. Elle était dans la confrontation. Son récit était douloureux. Au fil des semaines, après que nous avons même haussé le ton, une relation de confiance s’est installée. Elle souriait, avait le visage moins crispé.
Il y a donc, déjà, de belles avancées…
Quelqu’un qui reprend soin de son hygiène ou de sa santé, parce que sa situation administrative est pérenne alors qu’elle pouvait être sa seule motivation, un autre qui progresse en français, un dernier qui réapprend à refaire confiance… Ce sont autant de succès et de sources de motivation pour la suite. Mais attention, on ne vit pas dans le monde des Bisounours. Nous sommes un établissement social au titre de la loi de 2002, rappelé par celle de 2015 sur la réforme de l’asile. Les demandeurs ont des droits et des devoirs.