La Gazette de la Manche

Le projet fou de J.-Louis Marie

Peindre le port de Granville sur une toile géante, tel est le rêve de Jean-Louis Marie qui vient de recevoir le Prix du public au Salon des artistes granvillai­s.

- Nathalie Delmas

Il adore les lumières et les contrastes de cette ville qu’il découvre à l’âge de 8 ans et qui va le voir grandir. Celle où il a fait ses armes ou plutôt ses pinceaux et ses pastels. Celle qu’il a quittée à l’âge de 20 ans pour « monter à Paris » . Celle où il revient voir sa maman Madeleine, 87 ans. Autrefois, elle tenait la boulangeri­e Marie de la Haute-ville avant de s’installer en centre-ville.

C’est chez elle, dans son petit appartemen­t au 3ème que JeanLouis Marie nous reçoit. Dans son salon, de nombreux tableaux, huiles et pastels, trônent à côté des photos de famille.

« Celui-ci est très vieux, ma mère me l’avait commandé, elle voulait un clown… Celui-là, les rues de New York, est plus récent, c’est aussi une commande de ma mère » , explique le peintre. « J’aurais aimé aller en Amérique » , glisse Madeleine, assise dans un coin du salon, prête à apporter les précisions nécessaire­s. Lorsqu’on lui demande qu’elle est son tableau préféré, elle nous répond sans l’ombre d’un doute : « Ils sont tous beaux! » .

Le Prix des jeunes de Granville en 1974

Jean-Louis Marie se souvient d’avoir toujours dessiné… Sa maman aussi : « A l’école, il ne faisait rien. Un jour le directeur m’a dit qu’il n’était pas bien dans sa tête » . Jean-Louis Marie sourit… il pense sûrement à son frère, décédé à 26 ans, qui peignait aussi. A sa maman Madeleine qui dessinait et écrivait lorsqu’elle était plus jeune. Ou encore à sa grand-mère paternelle qui était musicienne et qui excellait dans la broderie. Son grand-père maternel, marin et cheminot, n’est pas très loin non plus dans ses pensées. Ceci explique peut- être cela… Mais le virus, c’est à Honfleur qu’il l’attrappe, à 5 ans, lorsqu’un peintre le prend dans ses bras pour lui montrer ses toiles. Il trouve cela « formidable » .

A 16 ans, c’est la révélation. Il veut devenir peintre. Inspiré par les cours qu’il prend avec Robert Guinard, peintre granvillai­s (lui-même Grand prix de la ville de Paris en 1932, et élève de Cormon et de JP Laurens) il dessine la mer, la cabane Vauban, le Mont Saint-Michel. Puis, en autodidact­e, décide de se tourner vers la peinture et d’aller peindre le port de Granville. La blouse grise, le chevalet et la toile ne le quitteront plus. En 1970, il obtient le Prix Latour Pastel de Granville puis quatre ans plus tard, le Prix des Jeunes de Granville.

« J’aurais aimé rencontrer Monet »

Il voue une admiration pour

Cézanne à ses débuts, puis pour

Claude Monet dont il se dit « totalement fou » . « Monet est extraordin­aire ! Je l’adore ! L’impression­nisme est pour moi quelque chose de superbe. Quand vous regardez son tableau, celui d’une toute petite cabane au milieu de la neige, vous ne pouvez pas rester indifféren­t. Monet est quelqu’un que j’aurais aimé rencontrer » .

A 20 ans, il part vivre à Paris où il fera deux ans de Beaux-Arts. Un an plus tard, il y présente sa première exposition. S’il demeure artiste peintre dans l’âme, il devient employé de bureau à la Poste. Mais ce n’est pas pour autant qu’il met de côté sa passion. Au fil des années, il est récompensé dans de nombreux salons tant en France qu’à l’étranger.

Certaines de ses oeuvres font partie de collection­s privées et d’autres sont acquises par l’État. Dans les années 80, il vendra beaucoup d’aquarelles.

« Le prix du public est une belle reconnaiss­ance »

Invité d’honneur à Villeneuve le Roi en 2006, Médaille d’Or du salon d’Île de France - Bourg la Reine en 2007, Médaille d’Argent d’Île de France - Bourg la Reine en 2008… les prix se suivent. Il dispense parallèlem­ent des cours de pastel à La Société Artistique de la Poste à Montreuil, fait partie des pasteliste­s de France, restaure encore parfois des tableaux et peut travailler sur commande.

Bourré de talents, l’homme n’en reste pas moins discret, voire effacé. Un entrefilet dans la presse cite son nom parce qu’il vient d’obtenir le Prix du public lors du dernier Salon des artistes granvillai­s. Il s’en contente… « Pour moi, le prix du public est une très belle reconnaiss­ance » , dit-il.

Il faut dire que ses tableaux sont bluffants tant ils sont réalistes. Sa technique est basée sur une pratique de plus de 30 ans. Il utilise principale­ment les pastels Girault et se fournit à Paris à la Maison Sennelier pour les supports et les huiles. Les encadremen­ts sont réalisés à l’éclat de Verre. « Je fais essentiell­ement du pastel et des huiles. Le pastel est pour moi un matériau agréable à travailler. Les résultats sont immédiats. Instantané­s. J’ai 900 couleurs de pastel, c’est dire… Je suis très attiré par les couleurs, les contrastes » .

Ses carpes Koï cartonnent au Japon

Ses chats ont été publiés dans l’ouvrage « Art Animalier, le chat dans l’art contempora­in » pour la fidélité et la minutie de leurs portraits. Ses carpes koï cartonnent au Japon et en Chine où ses tableaux sont très appréciés par les collection­neurs tant ils sont réalistes.

En France, l’une de ses toiles a été achetée par un directeur du Centre des finances et trône dans une salle de réunion. Ces tableaux sont aussi appréciés par de simples amateurs, comme ce pêcheur dont il faisait le portrait qui lui a acheté l’oeuvre car il était collection­neur lui-même de… portraits !

« Je fais de la peinture réaliste. Lorsque je décide de peindre un tableau, c’est parce que j’ai une image dans la tête, un paysage, une lumière, un visage qui m’obsède. Il faut que je dépasse mon sujet que je la fasse à tout prix. Je cherche l’équilibre. Quand je l’ai trouvé, cela veut dire que j’ai terminé mon tableau. Alors celui-ci ne m’appartient plus » , explique le peintre qui peut cumuler 7 heures de travail sur un tableau dans une journée.

Boucler la boucle

Depuis qu’il peint, Jean-Louis Marie comptabili­se environ 1300 tableaux. Et si son garage déborde de ses oeuvres, cela n’arrête pas pour autant l’artiste. A la retraite, celui-ci travaille actuelleme­nt une toile sur la Bretagne mais se projette déjà sur l’avenir en écoutant ses envies, celles de peindre des personnage­s avec des plages, notamment la grêve du nord de la Haute-Ville qu’il affectionn­e.

Il sera au Salon des artistes granvillai­s au mois de mai 2017 à Granville où il exposera à nouveau. Et continue de rêver sur ce projet fou qu’il aimerait voir aboutir : celui de peindre le port de Granville sur une toile géante panoramiqu­e. La boucle serait alors bouclée…

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Jean-Louis Marie a reçu le Prix du public au Salon des artistes granvillai­s. Ici, devant son tableau Le Marité. Le peintre est reconnu pour ses peintures réalistes.

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