La Gazette de la Manche

En grève de la faim !

Une grand-mère est en grève de la faim depuis le 17 octobre. Depuis six ans, elle se bat avec son mari pour le regroupeme­nt de la famille de son fils.

- Pascale Brassinne

Canton de Pleine-Fougères. « On ne sait plus qu’y joindre. On ne sait plus à qui s’adresser. On ne sait plus, on ne sait plus… » souffle Marie-Anne, affaiblie par un mois de grève de la faim.

Ce mercredi après- midi, au retour d’une consultati­on chez son médecin traitant, elle confie son désarroi. « Je vais sans doute être bientôt perfusée, parce que je m’affaiblis, j’ai perdu plus de six kilos déjà. Mais tant pis si je dois mourir. J’irai jusqu’au bout » .

La raison de cette colère et de ce cri de désespoir ? Une demande de regroupeme­nt familial qui se heurte à un blocage administra­tif.

Leur fils est militaire de carrière depuis 2002 dans une base aérienne de l’Eure. Il part régulièrem­ent dans des missions plus ou moins longues et dangereuse­s.

Une famille séparée

Lors d’une mission au Tchad il y a huit ans, il rencontre une jeune Camerounai­se. Elle fait des études dans ce pays, qu’elle paye en travaillan­t dans un café, où les deux jeunes gens se rencontren­t. De leur idylle naissent deux enfants, que le militaire reconnaît, même s’il n’est pas sur place pour leur naissance. La petite famille vit au Cameroun, tandis que le papa tente de construire le nid pour les accueillir en France, tout en veillant à subvenir à leurs besoins dans un pays menacé par l’intégrisme et la barbarie de boko haram. Il ne les voit qu’à l’occasion de brefs et coûteux congés entre ses missions. Il communique avec eux via internet.

C’est une erreur dans la rédaction de l’acte de naissance de la fillette, de sept ans aujourd’hui, qui est à la base de l’impasse administra­tive, dont cette famille bretonne ne sait plus comment sortir.

A l’occasion d’une demande de visa pour venir en France, il est souligné que le prénom et le nom de l’enfant ne correspond­ent pas. Et pour cause, ils ont été inversés sur l’acte de naissance. Les enfants sont par ailleurs de nationalit­é camerounai­se, quand bien même le papa les a reconnus.

Entre ses déplacemen­ts et missions successive­s, le fils fait le nécessaire pour qu’un jugement soit rendu et qu’un nouvel acte soit établi. Puis, c’est le mariage qui se heurte à un imbroglio administra­tif. A chaque demande, des nouveaux documents sont demandés jusqu’au relevé d’imposition, taxe foncière, carte vitale… des parents. Aucune pièce ne suffit jamais à l’administra­tion consulaire française au Cameroun pour boucler le dossier et autoriser le regroupeme­nt familial ou le mariage. « On nous a parlé de mariage blanc, de trafic d’enfant… Vous vous rendez compte, alors que mon fils est militaire depuis 2002. On nous prend pour qui ? Ils ont eu deux enfants ! Ils veulent juste vivre en famille, tous les quatre en France. Mais la France ne veut pas reconnaîtr­e les enfants ! »

« La peau claire, ça vaut cher »

Des démarches compliquée­s pour le jeune couple par les missions qui ne laissent peu de marge d’interventi­on et par un climat d’insécurité dans ce pays d’Afrique où la maman craint pour la sécurité de ses enfants. « Lorsque nous avons passé un mois au Cameroun l’an dernier, raconte Marie-Anne, en me promenant avec ma petite- fille une dame qui me croisait m’a dit qu’elle était bien belle ma petite. J’étais fière, vous comprenez, mais lorsqu’elle m’a dit ensuite qu’elle avait la peau claire et que ça valait beaucoup d’argent, j’ai eu le sang glacé. Depuis je n’en dors plus… »

Angoisse et désillusio­n

L’angoisse grandit. « Nous avons pris un avocat » , explique le grand-père désemparé. « Le 3 octobre, on nous avait dit que le dossier était complet. Le jugement et le nouvel acte de naissance devaient être envoyés par l’ambassade de France au Cameroun au fichier central d’état-civil à Nantes, mais le dossier n’est jamais arrivé. On est revenu au point zéro, après six ans de démarches. Un nouveau coup sur la tête » , se désolent les grands-parents épuisés.

Confiant dans leurs élus, le couple se tourne alors vers les politiques. Le député de Fougères Thierry Benoît se fait le relais de leur missive aux ministres de l’intérieur, des affaires étrangères, au Premier ministre, au Président de la République : Bernard Cazeneuve, Jean- Marc Ayrault, Emmanuel Valls, François Hollande. Dans le dossier, les récépissés d’accusés de réception s’entassent. Les réponses se résument à des lettres types de compassion, à des fins de nonrecevoi­r sans autres alternativ­es. Le désarroi se fait de plus en plus grand.

« Nos politiques sont hors sol »

« Nos politiques sont hors sols. On nous a dit de ne pas alerter la presse parce qu’ils n’aiment pas ça, mais là, on n’en peut plus. Il faut que tout le monde sache si je dois en mourir… »

« De Noëls en anniversai­res, on espère toujours une réponse, témoigne le grand-père. Là, nous sommes au fond du puits » .

« Tant pis si je dois mourir »

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 ??  ?? « Quand nous étions sur le départ pour rentrer en France, l’an dernier ma petite-fille hurlait : Mamie, emmène-moi dans ta valise ». Depuis, Marie-Anne et son mari Michel vivent dans le cauchemar de ne plus revoir leurs petits-enfants.
« Quand nous étions sur le départ pour rentrer en France, l’an dernier ma petite-fille hurlait : Mamie, emmène-moi dans ta valise ». Depuis, Marie-Anne et son mari Michel vivent dans le cauchemar de ne plus revoir leurs petits-enfants.

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