La Monaco du Nord, à la source de la légende Dior
La maison Dior fête ses 70 ans. A cette occasion, les Rhumbs proposent un nouvel éclairage sur l’oeuvre du grand couturier.
Granville. La villa Les Rhumbs, où Christian Dior a passé son enfance, a joué un rôle fondamental dans ses sources d’inspiration.
Dans son livre de mémoires, il dit en garder
« le souvenir le plus tendre et le plus émerveillé. Que dis-je ? Ma vie, mon style, doivent presque tout à sa situation et à son architecture. La maison d’enfance était crépie d’un rose très doux, mélangé avec du gravier gris, et ces deux couleurs sont demeurées en couture mes teintes de prédilection »
. Quand Christian Dior fonde sa maison de couture, fin 1946, il convoque ses souvenirs d’une enfance heureuse et rassemble autour de lui dans son équipe ses amis de Granville :
« Ainsi, nous nous trouvâmes tous réunis comme dans notre jeunesse au temps des pique- niques, des parties de pêche et de croquet »
. Ses étés lui inspireront les modèles de chapeaux d’été pour la modiste Claude Saint-Cyr, dans les années 30, puis, pour sa maison de couture, des cabans et des robes à col de marin.
Le parcours de l’expo
Au travers d’une déambulation dans les différentes pièces de la villa, les visiteurs revivront l’esprit de cette époque, chaque pièce évoquant un des membres de la famille, suggéré par un objet familier ou des photos. Dans chaque lieu sont exposées des robes de haute couture créées à partir de 1947 et ensuite par les directeurs artistiques successifs qui, restant fidèles à la mémoire du couturier, se réfèrent à ses thèmes de prédilection.
Les pièces de vie
Du vestibule décoré d’estampes japonaises qui ont inspiré à Christian Dior des robes à ceinture et des tuniques rappelant les tenues portées par les femmes de Shanghaï dans l’entre-deux-guerres, on passe dans le grand salon à l’esprit XVIIIe siècle, puis dans la salle à manger où le couturier gastronome, qui aimait les plaisirs de la table, inspira la publication posthume de ses recettes dans le livre La cuisine cousue main.
Du bureau du père, Maurice Dior, directeur de l’usine de produits chimiques, fondée à Granville en 1832, Christian glissait : « Il m’emplissait d’une horreur sacrée. Je n’entrais guère dans cette pièce sans appréhension. C’était le plus souvent pour entendre quelque semonce ! »
Dans le petit salon, c’est la nostalgie de l’époque fastueuse du Second Empire qui ressurgit dans les collections de la maison Dior, avec les volumes de jupes rappelant les robes à crinolines, les décors de volants, la taille fermement corsetée et les bustiers à larges décolletés.
Dans le jardin d’hiver, qui permettait de bénéficier de la vue sur le jardin pendant l’hiver, plane le souvenir des senteurs des fleurs, sans doute à l’origine de sa décision de lancer les parfums Dior dès 1947.
L’espace privé
Au premier étage de la villa, dans la chambre de sa soeur Jacqueline, les tailleurs de jour coupés dans des lainages secs et des Prince de Galles, évoquent l’anglomanie du couturier. Dans la chambre de sa grand-mère maternelle, on découvre l’amour de Christian Dior pour les déguisements, les bals costumés et sa capacité à mettre en scène les femmes, dans des robes d’un effet spectaculaire.
Dans sa chambre d’enfant, on devine, au travers des décors floraux, imprimés ou brodés qui figurent parmi les éléments caractéristiques du style Dior, son goût pour les fleurs et pour les roses en particulier, goût qu’il partageait avec sa mère.
La belle époque de sa jeunesse est évoquée dans la salle de jeux, « un temps heureux, empanaché, tranquille, où tout n’était fait que pour le bonheur de vivre »
La chambre de Madeleine reflète le tempérament d’artiste qu’elle a transmis à son fils et celle de Catherine, la soeur cadette de Christian, évoque l’admiration qu’il lui portait, baptisant le parfum créé en 1947, de son surnom, Miss Dior.
Les pièces de service
Au dernier étage, traditionnellement dédié dans une maison bourgeoise à l’entretien du linge de table, du linge de toilette et des sous-vêtements, on découvre son attrait pour le raffinement de la lingerie haute couture :
« L’endroit que je préférais – étaitce prédestination ? – c’était la lingerie. Les femmes de chambre, les couturières à la journée m’y racontaient des histoires […] Le crépuscule s’étirait, la nuit tombait et je m’attardais […], regardant les femmes manier l’aiguille autour de la lampe à pétrole »