La Gazette de la Manche

Les sépultures du Mont ont parlé

Une quarantain­e de sépultures ont été découverte­s en janvier dernier au Mont-SaintMiche­l. Les premiers éléments d’analyse changent le regard sur le passé du village.

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Le Mont-Saint-Michel. En janvier 2017, la municipali­té a entrepris un important chantier de renouvelle­ment des réseaux dans le village, et principale­ment dans la Grand-rue. C’est à l’occasion de ces travaux que des sépultures ont été mises à jour. Une quarantain­e de squelettes, pour les uns tronqués, pour d’autres relativeme­nt bien conservés.

Trois semaines de fouilles

Les travaux ont été stoppés. Une équipe de l’Institut national de recherche archéologi­que préventive (Inrap) a été dépêchée sur les lieux. Elen Esnault-Cadiou, spécialist­e en architectu­re du bâti, suit les travaux d’Etat au Mont-SaintMiche­l depuis 2015. Avec quatre autres personnes, sa mission a consisté, pendant trois semaines, à « libérer le terrain pour préserver et enregistre­r tous les éléments avant leur destructio­n » . Outre les squelettes, le terrain est passé au peigne fin pour en extraire le moindre fragment, témoin de ce passé enseveli. « Des textes de 1913 disent que les sépultures avaient été détruites lors de l’implantati­on des premiers réseaux. Nous pensions que tout était détruit » .

« L’histoire se réécrit et ce n’est pas fini »

L’objectif des archéologu­es est de tenter de comprendre quand le cimetière mis à jour a été créé et quand il a été abandonné. Sur le site, un rempart du XIIIe siècle le coupe en deux. Ce qui signifie qu’une partie aurait été abandonnée. Il aurait ensuite été réimplanté près de l’église paroissial­e. «A l’époque, le cimetière faisait toute l’emprise de la rue qui n’existait pas encore. Sous le cimetière, nous avons trouvé des niveaux d’abandons, matérialis­és par des vases et des boues qui traduisent que le Mont n’était pas occupé. La datation du cimetière va être très importante. Les prélèvemen­ts de charbon vont permettre de savoir à quand remontent les premières habitation­s. Sur une toute petite portion explorée, on a découvert des éléments très intéressan­ts sur le premier village. On le pensait beaucoup plus haut et restreint. Ce mur d’enceinte maçonné mis à jour révèle que la ville était plus large et bien plus basse » , analyse la scientifiq­ue.

« Cette phase sur le terrain est la partie immergée de l’iceberg. Pour trois semaines de travail sur le terrain, il y a au moins six semaines de travail derrière avec des spécialist­es. Six semaines qui ne sont pas consécutiv­es car nous avons tous d’autres missions » , souligne l’experte.

Désormais, il faut traiter les informatio­ns recueillie­s sur place : morceaux de céramique, de charbon de bois, ossements… Ce travail est confié, sous le pilotage d’Elen Esnault, à des anthropolo­gues, céramologu­es, historiens… « C’est une vraie enquête policière avec des indices à prélever, à analyser » , s’amuse l’archéologu­e.

Elle va devoir s’atteler à déterminer la tombe la plus ancienne. Les fragments de charbon de bois vont être passés au crible. Les éléments en bois de chêne seront écartés car la durée de vie de cette espèce végétale, très longue, donne une amplitude temporelle beaucoup trop vaste, « entre 300 et 600 ans » . Un diagramme reprendra toutes les couches de la plus ancienne à la plus récente. « Il déterminer­a les couches les plus intéressan­tes à analyser » .

Des échantillo­ns envoyés à Miami

Des échantillo­ns seront sélectionn­és dans le courant du mois de janvier. Ils seront envoyés dans un laboratoir­e américain à Miami qui n fera l’analyse au Carbone 14 pour déterminer leurs dates. D’autres révélation­s sont attendues.

« L’abbaye, c’est comme une pelote de laine. Tout y est enchevêtré. On a envie de chercher le fil qui permettra de la dérouler entièremen­t » , s’enthousias­me Elen Esnault, qui a fait ses premières révélation­s dans une conférence vendredi soir à l’abbaye du Mont-Saint-Michel.

« C’est une vraie enquête policière » Les fonds pour la renaturati­on de la vallée de la Sélune sont bien là, si les barrages étaient arrasés Jean-Marc Sabathé, préfet de la Manche

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