« Les barrages ont des effets sur la qualité de l’eau »
Une équipe de scientifiques décrypte depuis 2013 la morphologie et la composition chimique de la Sélune. Ils utilisent pour cela des moyens colossaux.
Bottes et cuissardes aux pieds, glacière à la main, quatre hommes s’engouffrent sous un pont, à Saint-Laurent-de-Terregatte. Pas de partie de pêche en vue mais une partie de « dynamique fluviale ».
Alain, Mamadou, Patrick et Nicolas sont scientifiques. Dans leur glacière, pas de leurres pour le poisson mais des échantillons d’eau. « On suit les paramètres physico- chimiques de la Sélune » , explique Alain Crave, chercheur au CNRS. Il dirige une équipe d’une dizaine de personnes (de l’Inra, du CNRS et des universités Rennes 1 et Rennes 2) travaillant pour le programme scientifique « Étude multidisciplinaire de la restauration du fleuve Sélune après l’effacement de deux grands barrages »*.
Les cyanobactéries se développent
Phosphate, ammonium, nitrate, matières en suspension, température… Grâce aux données accumulées depuis 2013, ces chercheurs peuvent d’ores et déjà affirmer que « dans les
retenues, toutes les conditions sont réunies pour la croissance des cyanobactéries. L’eau verdit et devient toxique. » Ces paramètres physico-chimiques « vont avoir une influence sur la qualité de l’eau ». Autre conséquence des bar
rages : « Ils retiennent des sédiments. Le phosphore, par exemple, change la qualité de l’eau à l’aval et donc les conditions de croissance des organismes. »
Pour observer ces effets, les instruments employés par les scientifiques sont titanesques. Le plus impressionnant est « l’avion scanner », passé deux fois sur la Sélune depuis 2013. À bord de l’avion, un laser sans danger, appelé lidar, permet de restituer le relief du fond de la rivière. « Lorsque l’eau est suffisamment claire, on peut obtenir une vision en 3D, très fine, de la Sélune. » Ce lidar permet également de mesurer l’opacité de l’eau. La liste des outils est longue. Un autre « laser », déployé au sol, sert à suivre l’érosion des berges. Une fibre optique mesure la température dans le lit de la rivière et permet de comprendre les échanges entre la nappe et la rivière.
Des piézomètres calculent de leur côté la hauteur d’eau dans la nappe en complément des mesures de température. D’autres ap- pareils calculent en continue l’opacité de l’eau. Il y a également deux préleveurs d’eau automatiques.
« L’enjeu est européen »
Alain Crave insiste sur le côté « exceptionnel » de ces re
cherches scientifiques. « L’enjeu est européen. En tant que chercheur, on n’a pas beaucoup de milieux où on peut observer une rivière avec autant de contraintes et étudier son processus de récupération. » Car l’objectif final est de comprendre comment la morphologie de la Sélune évolue, avec et sans barrages.
Un avion passe la Sélune au scanner